Ryan Gosling : "Drive faisait partie d'un plan"

NWR est comme une magnifique femme, toute de rouge vêtue, avec un foulard noué autour de la gorge. Au début, on comprend pas ce que c'est ce foulard. Tout ce qu'on voit, ce sont les formes moulées par cette robe. Puis, on l'invite chez soi. La soirée se passe bien. Très bien même. Ca va un peu plus loin. On lui retire sa robe. Et là, on découvre un opulent pénis. Et sous le foulard se cachait une pomme d'adam. C'est juste qu'on avait pas voulu porter attention au foulard plus tôt, les formes étant plus intéressantes.

La pomme d'Adam, c'est le vide du film. Le film est immensément vide. Quand je disais hier à un ami que la BA laissait penser à de l'expérimental, je pensais pas avoir autant raison. C'est, à de nombreux égards, un film expérimental.

Il n'y a pas vraiment de scénario à proprement parler. Il y a une histoire, oui, mais s'il y a un scénario, il est bien caché. Très bien caché. Je veux bien qu'on mêle réalité et rêve/fantasme, mais il y a des limites.

Enfin bref, si NWR avait tout fait pour élever au rang de mythe sur pattes Ryan Gosling avec Drive, ici, il le démythifie, le met plus bas que terre. Ce n'est même pas son histoire, d'ailleurs. Pas plus que celle de ce flic aux allures de caïd, grand, très grand méchant, bien plus qu'un Albert Brooks, pour continuer le comparo.

On a beaucoup parlé à Cannes de la violence gratuite du film, mais elle se fait tellement hors-champ que j'ai eu du mal à comprendre les retours.

Le film n'est pas mauvais pour autant. Il est juste frustrant. C'est frustrant de voir tellement de maestria dans la forme (l'interprétation, la réalisation, le montage, la musique) gâchée par un fond si vain. Une histoire de non-vengeance (pour reprendre une expression que j'ai bien aimée) n'était pas à mes yeux le meilleur moyen pour montrer tant d'onirisme.

Alors, certains verront dans tout ceci - et notamment le scénar - un hommage à Jodorowski, dont je n'avais jamais entendu parler je l'avoue, à Kubrick (je cherche encore les références), à certaines mythologies. Oui, on retrouve de l'Oedipe. Un peu trop, d'ailleurs. Un peu beaucoup trop. Oui, c'est l'histoire de Romulus et Remus revisitée. Mais ça reste quand même très léger.

Au final, on ne prendra son pied que lors de ces 30 si belles dernières minutes. Et c'est bien trop peu.

Alors, pour reprendre la métaphore, NWR nous a bien excité avec Drive. Il a excité le monde entier. Il s'est fait connaitre de tous. C'était sa robe rouge, en quelques sortes. Revenir 2 ans plus tard, avec le même acteur, avec la même photo flashy, et qui plus est, dans la cité cannoise à nouveau, ça ne pouvait que plus encore mettre en valeur ces formes moulées dans cet habit.

Comment ne pas être excité ? Comment les midinettes tombées amoureuses de Gosling y a deux ans peuvent ne pas aller voir ce film ? Pourtant, la BA annonçait que si Gosling était passé dans Drive de l'état mental à l'état physique, autant dans Drive que dans sa filmo elle-même d'ailleurs, il allait ici faire le chemin inverse, être complètement déstructuré, détruit, démonté, pour ne plus être un physique, mais redevenir un acteur... Du moins, je l'espère.

Alors évidemment, cette femme, on la suit. On est bien obligé, comment résister ? Mais le fait est que le foulard qu'on avait pas voulu retirer avec Drive, elle le retire elle-même avec OGF. Ce foulard, qui est le talent de NWR dans la réalisation qui transcendait véritablement une banale histoire de gangster, on aurait pu le retirer dès Drive, et se rendre compte du vide abyssal auquel on avait droit. Mais non, c'était si beau.

Et à la fin règne un sentiment d'immense arnaque, car, comme dit Gosling dans le docu consacré au réalisateur, Drive faisait partie d'un plan qu'il avait du mal à comprendre au départ mais qu'il entend parfaitement après avoir lu ce qu'Only God Forgives allait être.

Drive a fait découvrir un réalisateur au monde entier, Only God Forgives fait découvrir un auteur qui a refusé de donner son cul à Hollywood, qui a préféré aller tellement à rebours du courant actuel qu'il fait malheureusement beaucoup trop penser à son ami Gaspar Noé, ami dont il ne prend souvent que le négatif (des ultrasons, youpi !). NWR est un réalisateur au talent hors-pair qui a un peu trop voulu jouer au rebelle. Confirmation/infirmation avec son prochain film ?
WallydBecharef
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le 23 mai 2013

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Wallyd Becharef

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