Qui veut la peau de Ryan Gosling ?
Vous êtes allé voir "Only god forgives" parce que vous aviez apprécié la virtuosité de "Drive" ou simplement titillé par une critique à genou. Lorsque la salle s'est rallumée au bout d'une heure trente d'une projection à la fois irritante et pénible, et que vous vous apercevez qu'il ne reste plus que dix personnes sur la quarantaine du départ, l'incompréhension vous gagne, surtout que les quelques restants sont, soit endormis, soit K O assis. Serai-je passé à côté d'un chef-d'oeuvre vous demandez-vous ? N'aurai-je encore une fois rien compris au cinéma exigeant cannois ? Rassurez-vous, le blog "Sans connivence" va vous expliquer ce que vous devrez dire dans les dîners en ville, pour ne pas passer pour un(e) demeuré(e) aux yeux de tous les faiseurs d'opinion.
Premièrement, faites un sort au réalisateur. "Drive" était un bon film certes, mais son nouvel opus (bien plus chic que "dernier film") est à ranger dans la case "Pusher", trilogie sortie entre 1996 et 2005, à l'esthétique proche de celui-ci. Vous n'avez pas vu les "Pusher 1,2 et 3" ? Pas grave, personne ou presque ne les a vus, donc pas de crainte là-dessus, il serait étonnant que vous vous trouviez face à l'un des rares fans de Nicolas Winding Refn.
Il sera plus difficile de défendre le scénario basique, à l'intrigue minimale et dont les dialogues tiennent sur deux feuilles A4. Cette histoire de vengeance aveugle entre truands pour une histoire de prostituée sadiquement massacrée, est assez banale dans le polar. Et ce n'est pas la sauce mythologique rajoutée avec une horrible maman, méchante comme tout et qui veut venger son fils, qui arrange les choses. On pourra tout simplement glisser "Jocaste" pour ce clone de Donettella Versace habillée en solde sur le marché de Nevers, histoire de montrer que les héros de la Grèce antique n'ont aucun secret pour nous et que vraiment "Only god forgives" joue dans une autre catégorie que le commun des polars.
Pour vraiment faire amateur de cinéma éclairé, il faudra par contre s'étaler sur la réalisation. Les choix esthétiques sont nombreux et assurément signifiants. On peut parler de construction labyrinthique (mais labyrinthe mental est très bien aussi) à la David Lynch. On évoquera aussi Quentin Tarantino (époque Kill Bill) pour le côté sanguinolent et l'utilisation du sabre. Pour le filmage au ralenti, il sera de bon aloi d'éviter de citer Sergio Leone (trop cliché et trop plouc) mais d'élever le débat en signalant un vibrant hommage à Wong Kar Waï, surtout que le film se situe en Asie. Et si l'on veut vraiment porter l'estocade finale, glisser aussi Bunuel, auquel le réalisateur adresse un clin d'oeil en tranchant les yeux comme dans "Le chien andalou" mais, et c'est là où le génie pointe, la référence est digérée et revisitée façon 21ème siècle puisque nous passons d'un tranchage horizontal chez le cinéaste espagnol à un vertical chez Winding Refn, ce qui change tout.
Pour achever votre auditoire, il sera nécessaire de parler de l'interprétation et surtout de la composition (toujours impeccable) de Kristin Scott Thomas qui joue une affreuse mère. Vous vous extasierez sur les données psychanalytiques de sa relation avec ses fils, vous vous étalerez sur le côté très très très méchante de cette maman. (Entre nous, quand on lit ou écoute les médias, on a l'impression que c'est la première fois que l'on voit une maman méchante au cinéma. Beaucoup ont été offusqués par la verdeur de ses propos, par les horreurs proférées. Perso, les quatre lignes de dialogues où elle dit qu'elle n'aime pas son deuxième fils sont banales....à moins que l'on ne soit choqué par le fait qu'elle dise que Ryan Gosling, enfin son personnage dans le film, ait une petite bite...)
Ryan Gosling, parlons-en ! Dans un dîner, il faut dire, au choix, qu'il électrise le cinéma mondial, que c'est LE rôle de sa vie, que c'est un sommet de glamour, que c'est devenu une icône à la Brando. En réalité, on peut douter un peu.
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