Only God Forgives par ValM
Si je fais partie de ceux qui ont clairement détesté Drive, le précèdent opus du cinéaste, force est de constater qu’il livre ici un film de bien meilleur facture et qui confirme le fait qu’il ne faudrait pas se laisser à renoncer trop vite à pénétrer l’univers d’un cinéaste. Only God Forgives rappel un certain cinéma de genre qui se fait hélas plus rare ces temps-ci : histoire minimale, film très court et ne perdant pas de temps dans les explications ou approfondissement inutile. Une histoire courte, tel un conte moderne.
Only God Forgives est le récit de la rencontre malheureuse entre un policier de Bangkok, ange exterminateur et rendant la justice comme bon lui semble (on ne sait d’ailleurs jamais si on peut le qualifier de bons ou mauvais, car après tout, toutes ses victimes n’étaient pas « innocentes », ce qui rend le personnage extrêmement dérangeant) et une famille de dealers de drogues, dont le fils ainé est mort après que le policier, Chang, ait décidé implicitement de son exécution. Cherchant à le faire tuer, le frêre de la victime et sa mère s’apercevront qu’il est bien plus coriace que ce à quoi ils s’attendaient. Le personnage de Chang est clairement le personnage principal du film, à la grande surprise du public, Gosling n’ayant en réalité qu’un rôle secondaire. Stoïque, tout de noir vêtu, sa présence hante littéralement le film. Insaisissable et imprévisible, il est l’image de la vengeance venue remettre de l’ordre dans un Etat corrompu. Son interprète, Vithaya Pansringarm, est la révélation du film, apportant au personnage son physique commun mais magnétique. Il bouffe littéralement le film : la caméra ne voit plus que lui dès qu’il est dans le champ. Sa démarche lente et son pas assuré, son sabre en guise de bras de la justice, et le thème de Cliff Martinez accompagnant chacune de ses apparitions, finissent de caractériser ce personnage déjà marquant dans l’histoire du Cinéma de ces dernières années. Gosling, quant à lui, met le spectateur dans l’embarras : est-il génial ou tel Jean Reno dans Léon, est-il au naturel ? En lui faisant jouer un abruti de première, puceau frustré et castré, Refn prend le pari de mettre à mal sa star. Le plan où, sourire benêt mêlé à un aplomb inébranlable, il montre les poings à Chang, avant de se faire démonter la tronche, est à mourir de rire. Kristin Scott Thomas s’en sort très bien malgré le fait que l’on pouvait avoir un mauvais a priori, à la vue de son maquillage.
La mise en scène est évidemment le point fort du film. S’adjoignant les services du chef opérateur d’Eyes Wide Shut, Refn nous plonge dans un véritable enfer sur terre, à la dominante rouge évidemment, où la puanteur, la sueur, la fumée, suinte à tous les coins de rue. Pour la description du club de Gosling, on pense au Suspiria de Dario Argento où on retrouve les couloirs labyrinthiques à dominantes rouges. On pense aussi à Argento lors de la scène de torture/interrogatoire, menée par Chang. Le cinéaste réussit toujours à livrer des cadres très réussis et le film est presque « beau » à regarder. On pourra reprocher un style tape à l’œil. Certes, le film en fait des caisses, la subtilité n’est manifestement pas dans le style de Refn, mais, cela s’accorde assez à ce qui est raconté. En ce sens, le film m’a plus.
Toutefois, il faut admettre que le scénario en fait peut-être un peu trop par rapport au sujet traité. Par exemple, je ne suis pas vraiment convaincu par les scènes d’humour disséminées ici et là, à l’image de la scène dite de karaoké, bien qu’on puisse la trouver utile pour la fin du film. Aussi, peut-être Refn est-il trop scolaire sur l’utilisation de certains thèmes, en particulier ceux tournant autour de la mère.