A l'heure où j'écris ce lundi 15 février 2016, Only God Forgives est noté 5,9 sur Senscritique.


Je vais donc enfoncer une porte ouverte à pieds joints et avec le sourire : cette moyenne n'est ni élevée, ni basse; elle est tout juste "moyenne" (ça tombe bien tiens). Pour autant, cela cache un écart-type important dans les notes, donc dans une certaine mesure dans l'appréciation du film. J'ai d'ailleurs pu lire çà et là que des spectateurs avaient quitté la séance lorsqu'il était à l'affiche, ce n'est pas rien ! Même quand on n'apprécie pas pleinement un film, vouloir quitter la salle alors même que l'on a payé l'entrée et qu'il s'agit d'un divertissement qui n'a rien d'engageant, c'est fort de café (expression archaïque : level cleared). Pour autant, on peut trouver plusieurs explications à cela :


D'abord, Only God Forgives est contemplatif. Entendez par-là que le rythme est excessivement lent, tout comme les personnages et leurs déplacements, mais aussi que c'est un film avant tout esthétique. La lumière y est splendide, la photographie magique, les couleurs éclatantes et envoûtantes. On peut même aller jusqu'à dire que cet esthétisme est l'un des vecteurs principaux de la narration du film. Fréquemment, les dialogues parlés sont supplantés par un jeu de regard et une mise en scène qui se passent de commentaires.
Les deux premières franges de spectateurs susceptibles de ne pas apprécier : les amateurs d'action frénétique et les mordus de dialogues interminables.


Ensuite, Only God Forgives est violent. Si l'on s'en tient aux scènes explicites, la violence est certes extrême. Mais c'est en fait le rythme, un peu bâtard diront certains, qui la sublime. Concrètement, 1h30 de blessures et de sadisme ininterrompues finiraient par réduire l'intérêt et la force de ces scènes à peau de chagrin (expression obsolète : level cleared). Le calme annonce en réalité la tempête : c'est dans la douceur apparente et la plastique délicieuse que se dessine l'horreur à venir, à la manière d'une tragédie. Quoi qu'il puisse en être de leur préparation minutieuse en amont, les scènes de violence sont effectivement fortes dans l'absolu et l'on souffre littéralement pour les malheureux qui les subissent.
Nouvelles franges de spectateurs susceptibles de ne pas apprécier : les frileux et les tout-contemplatif.


Enfin, Only God Forgives est ce qu'il est. Et c'est là toute sa force. Il ne s'agit pas d'un Drive 2, quand bien même réalisateur et acteur principal sont les mêmes; quand bien même l'alternance entre moments de répit et instants de fureur est toujours aussi radicalement de mise; quand bien même la beauté de la photographie bouleverse autant. Ce n'est pas une suite qui s'ignore, et qui serait en mal d'inspiration. C'est tout le contraire même. On trouve par exemple, me semble-t-il, de réelles influences du monde du jeu vidéo. Trois illustrations à mon propos : les poings filmés au moins à deux reprises en caméra subjective, suggérant un FPS; les déplacements en vue latérale de Gosling dans ce que j'interprète comme l'antichambre des enfers, rappelant un plateformer; la mise en scène visuelle et sonore du moment précédant le combat contre le policier retraité, traitée comme pour l'apparition d'un boss et évoquant de fait à peu près n'importe quel genre de jeu.
Ultime frange de spectateurs susceptibles de ne pas apprécier : les spectateurs susceptibles de ne pas apprécier.


Tous les aspects ici abordés participent parmi d'autres de l'identité du film, singulière, faisant d'Only God Forgives non seulement une oeuvre supérieure à Drive en bien des points, mais aussi et surtout un objet d'art en soi, aussi beau qu'il est répugnant. C'est d'ailleurs probablement en cela qu'il divise autant.

ArthurGuigal
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le 15 févr. 2016

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Arthur Guigal

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