Dans le western américain agonisant depuis les années 1980, peu de grandes figures se sont imposées, que ce soit comme acteur ou bien réalisateur. A l'exception de Clint Eastwood ayant passé par tous les stades : acteur de séries western (Rawhide), dans des westerns italiens (la trilogie du dollar de Sergio Leone) puis acteur-réalisateur aux États-Unis (Josey Wales, Impitoyable ...), il n'existe qu'un autre cas : Kevin Costner. Grâce à Danse avec les loups et sa pluie d'Oscars, il est l'un des seuls acteurs à pouvoir produire un western sur son seul nom.
Dans de nombreux westerns, déjà à partir des années 1960 puis de manière plus importante dans les années 1990-2000, on note l'idée de la fin d'une ère, d'un monde. Dans Open Range, une bande d'éleveurs itinérants se heurte à un riche propriétaire terrien, un marshall corrompu et une horde d'hommes de main. La Conquête de l'Ouest est terminée et l'âge de la propriété est ouvert. Costner tente à travers un cas particulier d'analyser ce passage tout en remettant en cause les idéaux et valeurs américains, notamment la propriété, la justice et la liberté, mis tour à tour à mal par le meurtre, la corruption et le capitalisme. La fin (d'un métier, d'une époque, d'une société, et même d'une vie) est constamment présente à travers une somme d'éléments qui pourraient paraître superficiels mais qui sont finalement capitaux. Avant la confrontation finale, les deux personnages principaux (Boss et Charley) se laissent aller à des petits plaisirs : ils dégustent quelques carreaux de chocolat noir puis fument un cigare cubain. Ils profitent des derniers instants d'une vie qui pourraient bientôt s'arrêter d'un coup de revolver.
La mort de l'un des leurs constitue un « memento mori » : Boss veut commencer une nouvelle vie après l'élevage, Charley tombe amoureux de Sue la femme qui soigne Button, qui quant à lui lutte contre la mort.
De véritables cow-boys n'ont sans doute jamais été montré aussi sensible, révélant des sentiments cachés dans ce cadre presque familial des éleveurs itinérants.
Les non-dits se transforment en déclarations d'amour lors d’événements inhabituels : la mort de Mose leur compagnon de route et celle du chien révèlent l'affection des deux personnages principaux jusqu'ici taiseux ; la proximité du règlement de comptes final fait avouer l'amour que porte Charley à Sue.
Cet amour déborde parfois un peu trop notamment à la fin du film, avec des baisers langoureux et une musique lacrymale. Pourtant, le romantisme du film est aussi ce qui en fait sa force comme d'autres westerns avant lui, à l'exemple de La Poursuite infernale, où le désir amoureux masculin reste caché mais est inscrit au plus profond de l'âme des personnages. D'ailleurs, la qualité des relations entre les protagonistes est dû à un bon scénario mais aussi à un casting de qualité : Kevin Costner (Charley) bien sûr et Annette Bening (Sue) qui donne une vraie force à ce personnage de femme désespérée, Robert Duvall (Boss) est excellent en patron intransigeant mais aussi paternel ; et des seconds rôles pertinents et bien interprétés : Abraham Benrubi (Mose) en géant au grand cœur, Diego Luna (Button) en jeune homme courageux ou encore Michael Gambon (Baxter) en pourriture.
Costner amène ainsi son western de main de maître en lui faisant changer d'itinéraire : de champêtre à urbain. En deux heures, nous passons de la contemplation de champs à perte de vue à un règlement de comptes, où l'herbe fait place à la boue et aux morts.
Le retour à la nature devient ensuite limité : Charley est en couple avec Sue, Boss prépare l'ouverture d'un saloon en ville.
Open Range se termine sur la sédentarisation des derniers cow-boys, la civilisation englobe les derniers électrons libres. Il n'y a plus rien à dire, le Far West, c'est déjà du passé !
Ma critique de la bande-originale du film composée par Michael Kamen