Au service du style (de Terence Young)

Quatrième film de la saga bondienne, il assoit définitivement le personnage au panthéon cinématographique en faisant un carton en 65 (et même après …). Il faut lui reconnaître son style et sa classe dus en grande partie à Terence Young, impeccable à la réalisation, même s'il les effets de montages comme les barres pour fondus sont un peu vieillots. C'est un Dr. No amélioré, un film plus ample et plus politique.

Complot et cachettes

Le scénario parle déjà des crises nucléaires et nous montre clairement une organisation, le SPECTRE, apatride qui travaille pour qui paie bien. On peut imaginer aisément les parallèles avec plusieurs organisations de nos jours proches de nos gouvernements. À ce propos, il y a un détail pour tous ceux qui suivent les méthodes possiblement utilisées par les tenants du Nouvel Ordre Mondial : ils souhaiteraient détruire les frontières en infiltrant les gouvernements et en détruisant les frontières, et rendre les humains apatrides comme eux, grâce à des organisations telles que l'UE, l'OTAN, etc. Et étrangement, le SPECTRE dont le quartier général est ici à Paris (sic), a pour couverture une association qui facilite l'obtention de visas dénommée Centre International d'Assistance aux Personnes Déplacés et donc participe à la migration des populations. Étrange, non ? Pourquoi pas une couverture plus classique, ou une dans le goût du film suivant qui n'aurait rien de politique, comme ce volcan au Japon ? Même sans aller jusqu'à ce point d'analyse, on voit déjà ici se dessiner la critique des personnes de pouvoir qui, pour continuer leurs sombres activités, se cachent derrière des œuvres de charité ou bienfaisance. Ce thème sera repris dans Tuer N'est Pas Jouer ou Demain ne Meurt Jamais et avec encore plus de vigueur dans Quantum of Solace. Ce point a pour effet de rendre ce film toujours d'actualité.

Un Dr No qui dit oui pour se bon(d)ifier

En réalité, à y regarder de plus près, nous pouvons constater qu'il s'agit d'une version vitaminée de Dr No. Le film est en effet plus long, plus ambitieux avec une meilleure musique, un méchant plus rusé et tout comme dans Dr. No, une belle dame, captive de ce dernier qu'elle finit par tuer. Ce dernier point montre une ressemblance entre les personnages principaux féminins des deux films. Deux différences en rapport, le personnage féminin de Dr No, Honey Rider, qui mettent en avant qu'Opération Tonnerre soit un Dr. No amélioré : elle raconte une histoire ou elle est abusée sexuellement alors que Domino choisit Emilio Largo et de plus, elle est directement liée à l'histoire, malgré elle, à travers son frère. Là où Honey Rider raconte son histoire et son meurtre, Domino Derval agit devant nos yeux. Pourtant, dans les deux cas, il s'agit d'une femme blessée dans sa chair ou dans son cœur et qui finit par prendre les choses en main. Étonnant, tant cela contraste avec la muflerie dont peut faire preuve James Bond. Cela créer une certaine tension, une opposition qui devient une attirance. Il est d'ailleurs amusant de voir comme Bond a évolué, comme la société dans laquelle nous vivons parle de féminisme dans les médias, crie au machisme dès que possible et si vous demandez aux gens quel acteur il préfère dans les films de James Bond, ils répondront à majorité… Sean Connery, le plus macho de tous les interprètes ! Allez comprendre.
Plusieurs autres choses qui permettent de faire le parallèle entre les deux films, comme le fait qu'il enquête aussi dans les Caraïbes. Il y a similitude, quand 007 se fait conduire par l'un de ses adversaires. Là aussi, il y a une différence, car si dans le film le plus ancien il s'agit d'un homme, dans le plus récent des deux, nous avons affaire à une femme. Dans les deux cas cependant, il est question d'un de ses opposants qui prétend être amical.
Il y a même une référence directe à Dr. No quand Sean Connery prononce la même phrase que dans celui-ci : '' I'm a very nervous passenger''.

Le style serein de Terence

Un épisode de Bond étrangement tranquille et serein comme apparemment, Terence Young l'était. Pourtant, il y a de l'action, surtout dans la deuxième partie du film. Elle est très sous-marine, peut-être cela contribue-t-il à cette impression. Ces nombreux combats sous l'eau ont parfois été négativement critiqués. C'était un pari, qui donne son originalité au film, et force est de constater que ces moments sont bien produits, à l'image du reste du film. Les gadgets ne manquent pas non plus.
Côté acteurs et personnages : Sean Connery est en grande forme à la fois pour cogner et lancer de cinglantes répliques écrites avec intelligence et flegme par les scénaristes Maibaum et John Hopkins. Les deux femmes sont belles et chacune dans un rôle à l'opposé : l'Eve française gardée captive par le Démiurge, le numéro deux du SPECTRE, d'un côté, et la Lilith italienne très active, femme de tête avant l'heure et qui tue sans hésiter, de l'autre. La première finira par devoir agir comme la seconde en se transformant brièvement en Athéna vengeresse. Sans oublier Emilio Largo, interprété avec flegme et classe par Adolfo Celi. Ses joutes verbales avec Bond restent mythiques.
La musique de John Barry est sans surprise belle et en parfait accord avec l'action de cet opus qui est un des meilleurs des 60's, voire un des meilleurs James Bond tout court. Toutefois, elle est un peu répétitive et force sur les cuivres. Plutôt logique avec le passé de trompettiste de John Barry.

En résumé : un coup de tonnerre au box office pour asseoir une saga qui dure toujours. Il y a tout de même une chose qui ne passe pas, surtout au grand écran : Bond en sandales. Même si ce sont les années soixante. En san-dales. Non, mais on est où là, franchement ?

Fiuza
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le 28 janv. 2015

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Fiuza

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