Une faille interdimensionnelle s’étant ouverte au fond des océans, des kaijus, immenses créatures destructrices, ont envahi notre monde. Pour se défendre, les humains n’ont rien trouvé de mieux à faire que d’aller leur taper dessus à l’aide d’immense robots contrôlés par deux pilotes mentalement connectés. Il serait de bon ton de mettre trois points de suspension pour laisser planer un vague doute quant à l’issue du combat, mais mon aimable et patient lecteur l’a déjà compris : par leur ténacité, leur confiance et leur unité, les humains vont venir à bout des grosses bestioles à force de se la jouer à la Rocky Balboa… (Les plus attentifs auront remarqué que j’ai bien casé mes trois points de suspension, sauf qu'ici, ils n’ont plus la même valeur…)


Que faire quand notre monde est envahi par des hordes de pixels sauvages ? Guillermo del Toro a une stratégie bien à lui : leur répondre par d’autres hordes de pixels non moins sauvages… Le principal enjeu du film étant de deviner quel groupe de pixels l’emportera sur l’autre groupe de pixels (ce qu’on sait avant même de regarder le film), on l’a compris, ce n’est pas pour la finesse de son scénario que l’on regarde Pacific Rim.
De fait, Guillermo del Toro – dont l’écriture des personnages n’a jamais été la principale force – n’a rien de plus empressé que de compiler un ramassis de tous les pires clichés du blockbuster moderne. Héros courageux traumatisé par la perte d’un proche, ennemi jaloux et arrogant qui se rachètera dans un ultime acte de bravoure, général sage et autoritaire qui finira par se sacrifier pour la cause, jeune femme fragile car ne maîtrisant pas ses émotions mais qui en triomphera par sa force de caractère, trafiquant classe et clinquant qui en impose par sa manière de repousser toutes les limites… On n’aura jamais fini de faire le tour de ces personnages atterrants, écrits avec les pieds, qu’on a déjà vus mille et une fois ailleurs, mais rarement avec la même unilatéralité.
Tout cela ne serait rien si, comme d’habitude, Guillermo del Toro parvenait à compenser la transparence absolue de son récit dont on aura deviné toutes les péripéties dès la première minute par son talent visuel. Mais non, visiblement, Pacific Rim coïncidait avec la période de congés payés du réalisateur, et les 200 millions de dollars gaspillés dans ce film auront sans doute plus servi les vacances de Guillermo que son film, le réalisateur nous offrant un des blockbusters les plus impersonnels de ces dernières années. La terne photographie du pourtant doué Guillermo Navarro n’est en effet qu’une vaste blague, ne parvenant jamais à trouver un seul plan qui réussisse à marquer la rétine, à cause d’un total manque d’ampleur, le combat le plus épique ayant l’air d’un combat entre deux jouets, dans un bac à sable. D’ailleurs, à cette image, le film entier reste constamment prisonnier des limites de son écran, n’arrivant jamais à transcender ces dernières pour rendre ses aventures un tant soit peu crédibles et épiques.
Ce qui marque la rétine, en revanche, c’est cette avalanche de couleurs du plus mauvais goût, guère aidée par des effets numériques d’une laideur sans pareille, qui range ce film dans la catégorie des claques esthétiques les plus moches qu’on n’ait jamais eues, quelque part entre 300 et Justice League. A l’image de la partition sans finesse de Ramin Djawadi, Pacific Rim n’apparaît donc que comme un délire bourrin dans lequel il apparaît bien difficile d’entrer, ou comme le jeu d’un enfant ayant grandi trop vite, transposant à l’écran ses fantasmes enfantins sans jamais parvenir à nous y intéresser (mais face auxquels on peut encore faire jouer son indulgence, pour ceux qui ont gardé l’usage de leurs yeux).
Le Godzilla de Gareth Edwards, sorti l’année d’après, nous montrera malgré ses défauts que le film de monstres est un art plus subtil qu’il n’y paraît, et que le plus important, dans ce genre si propice à la démesure, c’est paradoxalement le sens de la mesure et de la suggestion. Ce que Pacific Rim ne fait que confirmer, bien involontairement…

Tonto
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le 2 mars 2018

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