Beaucoup de réalisateurs ont voulu, par le passé, s’intéresser au personnage de Pablo Escobar – la plupart de ces projets furent avortés (le Mi Hermano Pablo d’Oliver Stone et d’Antoine Fuqua, le Killing Pablo de Joe Carnahan), tandis qu’un certain nombre devraient arriver très prochainement sur nos écrans : The Ballad of Pablo Escobar de Brad Furman, même si on en entend plus trop parler, mais surtout la série Narcos, qui arrivera sur Netflix en 2015. Réalisé par l’acteur italien Andrea Di Stefano, mettant en scène Benicio Del Toro dans le rôle du célèbre narcotrafiquant et Josh Hutcherson dans celui du canadien candide qui se retrouve malgré lui enrôlé dans des affaires peu recommandables, Paradise Lost est donc la première de ces productions à arriver sur nos écrans.

Très rapidement, une surprise : Paradise Lost n’est pas un film sur Pablo Escobar, mais plutôt un film avec Pablo Escobar. Benicio Del Toro apparaît presque comme un acteur de second plan, un bad guy dont on compte les apparitions sur les doigts d’une main. Mauvaise idée ? Au contraire, c’est la meilleure du film : faire d’Escobar un fantôme, un méchant de l’ombre, presque un dieu du mal dont l’apparition n’est pas nécessaire à la terreur qu’il impose. C’est un procédé souvent utilisé dans le cinéma d’épouvante – on pense à The Thing – mais en faire une composante importante de la mise en scène dans un thriller aussi brutal et premier degré que Paradise Lost intrigue et surtout parvient à relever grandement l’intérêt du film qui, sans ça, n’aurait pas été très original.
On pense beaucoup au Dernier Roi d’Ecosse : le portrait d’un tyran (Idi Amin Dada et Pablo Escobar), par le regard d’un étranger (James McAvoy et Josh Hutcherson). Dans les deux cas un personnage presque bipolaire, tantôt homme charismatique et intelligent, tantôt psychopathe sanguinaire assoiffé d’argent et de pouvoir. La forme est parfois proche, même si les deux films se révèlent très différents sur de nombreux points – là où le film de Kevin Macdonald s’intéressait en détail au personnage d’Idi Amin Dada, Paradise Lost propose une relecture du thème de la chasse à l’homme. Escobar est en soit interchangeable, malgré la performance de Del Toro.
Del Toro qui brille dans son rôle – flippant et attachant, il parvient à merveille à retransmettre la double personnalité d’Escobar : le père de famille et le baron de la drogue. Josh Hutcherson est lui aussi très convaincant, dans un rôle certes plus que convenu mais qui lui offre quelques scènes d’une rare intensité, notamment dans la deuxième partie du film.

Tragédie sur fond d’histoire contemporaine, Paradise Lost est un film plein de promesses qui cabotine au départ, est parfois aussi très simplet dans ses choix de réalisation pure, mais parvient à installer une vraie tension qui trouve son apogée dans la dernière heure du long-métrage. Porté par un Del Toro digne d’un Oscar, la première réalisation d’Andrea Di Stefano est une agréable surprise qui mérite indéniablement le coup d’œil pour qui serait à la recherche d’un thriller brumeux, brutal, sombre et sanglant, saupoudré un anti-manichéisme très appréciable.
Vivienn
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le 8 nov. 2014

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Vivienn

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