Dire: J’ai pas d’matos ou pas d’contact, c’est un truc de victime


Si tu veux faire des films, t’as juste besoin d’un truc qui filme



Dire « J’ai pas d’matos ou pas d’contact », c’est un truc de victime.



Si les paroles d’Orelsan tirées de son excellent titre « Notes pour trop tard » peuvent sembler légèrement candides voir carrément simplistes, Unsane, le petit projet secret de Steven Soderbergh vient apporter un peu de crédit à ces punchlines sincères et consolide l’idée que l’imagination et la créativité sont les matériaux fondamentaux dans le processus de création artistique. Ou en tout cas devraient l’être.


Unsane est un thriller psychologique réalisé par le papa de la trilogie Ocean’s qui nous livre ici un film beaucoup plus intime et viscéral qu’a l’accoutumé non seulement dans les thématiques traitées (harcèlement, santé mentale, critique du business des nids de coucou…) mais aussi dans la forme : le film a été entièrement tourné à l’IPhone 7 plus. Big up Orel !


Et ce choix nous offre une mise en scène riche de sens, pas de plan large, cadres aux perspectives écrasées suivant d’une manière fluide le personnage principal dans ses mouvements au travers de décors du quotidien qui ancrent presque cette caméra dans la diégèse du film, nous forçant à adopter le point de vue désagréable d’un stalker comme si nous suivions impuissants les faits et gestes de la victime, instaurant une sensation malsaine et désagréable tant recherchée dans le genre.


C’est malheureusement l’écriture qui m’a fortement déçu.


Le film, dans sa première partie, s’efforce de laisser le spectateur se noyer dans le doute, le questionnant sur l’ambigüité de la situation : la menace est-elle réelle ou simplement liée à la santé mentale fragile de la jeune femme traumatisée.
Je m’attendais donc naturellement à un twist final révélateur, gimmick des films qui traitent de la santé mentale du protagoniste (Shutter Island, Fight Club, l’échelle de Jacob…), une structure narrative, certes, classique mais bien développée dans le premier acte qui fonctionne pour tenir le spectateur en haleine.


Le doute s’effondre malheureusement dans la seconde moitié du récit où la vérité nous est révélée. S’en suivent alors des péripéties devant lesquelles je vous avouerais m’être légèrement fait chier jusqu’à un climax que je qualifierais de "lisse", sans trop d’aspérités auxquelles se raccrocher… Et je trouve ça vraiment dommage d’autant plus que le film avait toute les clés en main pour choquer, traumatiser, surprendre et faire réfléchir


Ouvrir la critique sur une citation d’Orelsan, dire que j’ai trouvé le temps long devant un film qui traite du harcèlement des femmes : me voilà fiché par les féministes les plus hardcores...


Je tiens tout de même à rappeler que ce point de vue n’engage que moi et que cette critique est subjective. D’autant plus que je n’ai jamais été victime de harcèlement de la sorte, je suis donc en aucun cas capable de m’imaginer ce que cela doit être. Certaines aux states ont même crié que le film ne donnait qu’une vision ultra minimaliste de la chose…
Et quand je parle du climax lisse, c’est très certainement dû au fait que j’ai récemment consommé beaucoup de films coréens qui sont passés maitre dans l’art de choquer et interpeller aux travers de narration progressives jusqu’à des climax dantesques. Le retour à une forme de cinéma occidentale plus classique m’a donc fait l’effet d’une douche froide, surtout que le film aurait vraiment pu marquer les esprits. C’est dommage.
Mais je salue la démarche d’essayer de faire un film bien foutu qui traite d’un sujet grave et qui laisse tout de même sur une sorte de fin ouverte.

IroquoisPliskin
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le 26 mars 2018

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Iroquois P.

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