En voilà un projet qui m'excitait, de par deux choses principalement, la première, la plus bateau, Steven Soderbergh à la réalisation. Le cinéaste qui avait dit adieu au cinéma pour le petit écran il y a désormais quatre ans nous est revenu en excellente forme l'année passée avec une comédie ricaine désopilante, Logan Lucky.
Un retour surprenant pour le fana du cadre tremblotant et d'images colorés, qui avec ce nouveau film posait calmement sa caméra et usait d'une image plus joviale. Il retombera dans ses travers avec la mini-série Mosaic qu'il réalisera pour HBO.



J'ai repris goût à la réalisation grâce à The Knick. Je crois avoir confondu ma frustration envers le milieu du cinéma avec mon travail de réalisateur. Dès que je m'y suis remis, j'ai décidé de continuer



Sans doute aussi à cause de cette frustration que pour Unsane, rebaptisé Paranoïa en France, il s'émancipera du plus important sur un tournage, les caméras.
En effet si Michel Gondry avait réalisé un court métrage nommé Détour, muni d'un Iphone pour Apple, Soderbergh lui va plus loin en réalisant entièrement son film à l'aide de l'objet. Bluffé par la qualité du mobile, il aurait d'ailleurs rêvé avoir ça quand il était ado. Toujours à la recherche de nouveauté, le créateur use souvent d'un cadrage unique, la patte Soderbergh existe bien, et ici il nous le prouve une fois de plus.


Unsane est arrivé comme un cheveu sur un chauve, de nul part, l'annonce d'un film d'épouvante signé par l'américain à l’IPhone est passée quasiment inaperçue. Pas pour moi, un tel projet est forcément excitant. Rien que d'imaginer ce que pouvait donner l'esthétique de Steven avec un appareil rendant une image bien plus pure, plus crue qu'une caméra de cinéma, j'étais très curieux.
Au final j'ai été servi comme un prince, ce film tourné en à peine deux semaines nous plonge dans une sorte de série B assumée et captivante.
Série B, clairement, de par ce générique d'ouverture complétement digne d'un téléfilm des années 90, confirmé par le générique de fin encore plus grotesque, ou encore ce montage s'apparentant quelques fois à une vidéo amateur publiée sur Youtube, et je sais de quoi je parle. Aucune idée de si c'est voulu ou non, mais j'ai trouvé ce style accrocheur et amusant, tandis que le scénario n'en reste pas moins du même genre.
Le tout s'approche donc d'un film d'horreur... enfin plus thriller qu'horreur... de bas étage, qu'on pourrait dénicher au fin fond de Zone de téléchargement, mais la maîtrise de Soderbergh et son talent amène finalement à un produit hybride, entre expérimental bluffant et nanar amusant.


La future tête d'affiche du Millénium de Fede Álvarez, également Reine d'Angleterre dans la série The Crown, l'étoile montante Claire Foy, se révèle jouissive à suivre dans cette institut étrange et glauque. Poursuivi par un Joshua Leonard au caractère cliché, ce qui une fois encore insiste sur la série B, il y est excellent. Amy Irving en mère incapable d'aider sa fille est top, quand ma choupette, excentrique, ce qui n'est pourtant pas son style d'habitude, Juno Temple porte superbement les dreadlocks. Comment ne pas citer le petit guest qui va bien, étonnant et pas si étonnant de le voir finalement tant il est présent dans la filmo du Steven, Matt Damon.


En bref, je ne pourrais même pas dire que cet Unsane prend la place d'ovni dans l'univers de Soderbergh tant ce film le décrit à merveille, en partie grâce à ce cadrage d'une précision folle, rendant plusieurs plans magnifiques. L'image nette et crue à la profondeur de champ nulle est à tomber, elle renforce au passage l'aspect fou du métrage. La photographie tantôt ternasse tantôt surcolorée est magnifique, les plans dans le park quand le personnage de Foy mange sa salade en téléphonant à sa mère, c'est sublime de pureté, ce ciel d'un bleu granuleux, ce contraste !
Steven ne se prive pas de retourner à plusieurs reprises et notamment dans l’hôpital à son amour pour les couleurs bleue et jaune.
La bande originale quant à elle s'avère minime mais efficace, ces petites boucles électro font leur effet.


Une expérience inspirée et inspirante, prouvant qu'on peut faire des merveilles avec un simple téléphone... enfin "simple", c'est un IPhone quand même, l'équivalent du prix de deux voitures et d'un appart en bordure d'autoroute...

-MC

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