Session Peckinpah, troisième épisode : « Pat Garett & Billy the Kid ». De nouveau un western, mais finalement assez différent de ce qu'il a pu montrer avec « The Wild Bunch ». La principale raison étant peut-être la bande originale, bien éloignée des canons du western : c'est Bob Dylan qui s'en charge. Ça change, les musiques sont souvent chouettes (on y retrouve son « Knockin' on Heaven's Door » par exemple) et ça pose une ambiance country plutôt agréable et adaptée au contexte historique du film. En revanche, on sacrifie un peu à l'intensité des scènes. Dans « The Wild Bunch », Peckinpah faisait aussi le choix d'une BO qui sonne locale (en l'occurrence mexicaine) mais il conservait tout de même un orchestre lorsque la situation l'exigeait. Certes, « Pat Garett & Billy the Kid » est moins gourmand en massacres que son prédécesseur, mais il dispose quand même de plusieurs fusillades et autres instants critiques...
Puisque l'on parle de Bob Dylan, rappelons qu'il joue un rôle dans le film, celui d'un compère de Billy. Il a un temps de présence d'ailleurs pas si dégueulasse – fan-service ? – mais peu de lignes de dialogue (ce qui valait très probablement mieux). Si j'en parle, c'est qu'il a la tête du type que j'aurais imaginé voir interpréter Billy the Kid, lorsqu'il est rasé : un jeune homme de 21 ans qui en paraît trois de moins. Ce n'est pas le cas de Kristofferson que je trouve bien trop âgé pour ce rôle (15 ans de plus que son personnage). Il s'y débrouille bien mais ça a un peu cassé mon immersion dans le film.

S'il diffère un peu de « The Wild Bunch », on retrouve tout de même les thèmes chers à Peckinpah, comme la critique de la modernité ou l’ambiguïté de la loi : le réalisateur trouve avec la légende de Billy the Kid (je parle de légende puisque son amitié avec Pat Garett, au cœur du plot du film, n'aurait rien de certaine) une idée similaire à celle qu'il avait développé dans « The Wild Bunch » : celle d'un homme de loi réticent qui traque un ancien compagnon, plus par devoir (Deke Thornton sous la contrainte, Pat Garett pour « faire son boulot ») que par conviction. Dans les deux films, la modernité économique s'accompagne d'une forte corruption, d'une complaisance entre les univers économique et politique : la loi, si chère soit-elle, ne saurait aller à l'encontre de leurs intérêts. Cette modernité naissante et la fin du « Wild West » est illustrée de manière assez drôle lorsqu'un vieil homme conte des anecdotes de cow-boys à un Billy qui quitte la pièce en le laissant parler seul avec son époque révolue.
Les scènes de violence m'ont semblé moins iconiques que celles des deux autres films que j'ai vu de Peckinpah, bien qu'elles soient encore présentes en nombre et souvent de très bonne facture. En revanche, ce film comporte beaucoup d'autres scènes très fortes, par exemple celles illustrant l'amitié entre Billy et Pat. Elles sont servies par une photographie vraiment bluffante par moment, ajoutant beaucoup de poésie au film.
Les enfants sont encore très présents dans un contexte du Far West où on ne les attend pas forcément. Contrairement à « The Wild Bunch », ils sont ici plus spectateurs qu'acteurs de la violence (assistant au duel, viol, massacres, etc.). Ils baignent dans cette atmosphère de violence et semblent là encore condamnés à la répéter, plus tard – pas d'enfants-soldats dans ce film mais une tentative dérisoire par l'un d'un gamins, lors de la scène de conclusion du film, de caillasser l'assassin de Billy, déjà une icône rebelle d'un univers en voie de disparition.
Hugo_Grellié
8
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le 17 nov. 2014

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Hugo Grellié

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