Ne seront mentionnées dans ce billet aucune des qualités du film. Ce site regorge de critiques extrêmement flatteuses à son encontre, lesquelles résument mieux que je ne pourrais le faire ce qui fait son intérêt. Contentons-nous de ce qui pose problème.

On ne sent pas vraiment l'influence de Nolan sur « Interstellar », en tout cas beaucoup moins que le reste de sa filmographie. A l'exception du twist final, cher au réalisateur, ça reste un film extrêmement banal, à la construction linéaire et au scénario éculé. Le début du film fait ainsi grincer des dents lorsqu'il nous présente Matthew McConaughey, ex-pilote de génie et père de famille aimant, qui se retrouve obligé de quitter les siens pour sauver le monde. Mais, leur promet-il, il reviendra…
Une constante dans la filmographie de Nolan, toutefois, réside encore dans les soucis dans la direction des acteurs. Et, plus que ça, dans la construction des « protagonistes » comme « personnes », avec une personnalité propre et un autre but que celui de servir le scénario. Que l'on s'entende là-dessus, le casting est bon et les acteurs ne font eux-mêmes pas un mauvais boulot, mais on ne leur offre rien qui permette de sublimer leur jeu. Dans « Interstellar », les personnages sont des robots programmés pour donner du sens à chacune de leurs répliques. Les dialogues manquent ainsi cruellement d'humanité et on se lasse rapidement des excès philosophiques de chacun, surtout lorsque l'on se dit qu'ils font systématiquement écho à un élément futur de l'intrigue. Les deux robots du film sont finalement les protagonistes avec le plus de personnalité...

Revenons donc sur le scénario. Le film a clairement pour but de s'orienter dans de la « hard science-fiction », bref se rendre le plus compatible possible avec nos connaissances scientifiques actuelles. C'est en ce sens qu'ont été recrutés plusieurs physiciens pour élaborer le scénario. On est là dans une démarche similaire à celle que Nolan avait entrepris avec sa saga Batman : rendre « réaliste » un genre qui ne l'est pas forcément à la base. Bien qu'il semble y avoir de nombreuses incohérences (parfois vraiment téléphonées, ce qui les rend problématiques), c'est clairement le ton donné au film.
Or, Nolan est parti dans un tel délire qu'il n'a d'autre choix que de recourir à un bien pauvre « deus ex machina » pour le sauver. Cette expression désigne une intervention divine (ou dans ce cas scientifique) qui vient résoudre un cas a priori insoluble. Car insoluble ça l'était vraisemblablement, et les leçons de physique 101 dispensées dans le film ne parviennent pas à adoucir la brutalité de la solution qui nous apparaît comme une ficelle scénaristique énorme. Les idées sont souvent bonnes (voir le temps comme une dimension physique par exemple) mais s'intègrent mal dans un film au format finalement peut-être trop court – alors même qu'il dure près de 3 heures.
Oh et, chouette, encore un film résolu par le « pouvoir de l'amour » ! Pourquoi innover lorsque de telles formules marchent si bien ? Surtout qu'ici c'est original parce que l'amour est conçu comme une donnée physique, au même titre que la gravité ! Oui mais non : dans « Harry Potter », le pouvoir de l'amour qui lui permet de survivre à son duel final est de nature magique parce qu'il vit dans un monde magique. Faire du pouvoir de l'amour une réalité scientifique dans un film de science-fiction ne fait pas de son concept une idée novatrice, ni même intéressante.

Et finalement à la fin il revient voir sa fille.
Hugo_Grellié
6
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le 9 nov. 2014

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Hugo Grellié

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