Whit Stillman continue son voyage auprès de la jeunesse dorée américaine, cette fois dans le cadre universitaire. Une comédie dans un campus US, ça semble un projet bien périlleux. « Damsels in Distress » parvient pourtant à saisir toutes les attentes que l'on pouvait se faire du film et à les piétiner sans remords. Prenant pour base un genre cinématographique très codifié, Stillman nous offre une œuvre délicieusement absurde et originale.

« We're also trying to make a difference in people's lives, and one way to do that is to stop them from killing themselves »
Nous est présenté un groupe de jeunes étudiantes, obsédées par l'hygiène, et qui s'occupent du centre de prévention du suicide dans leur campus universitaire. Elles accueillent en leur sein une nouvelle arrivante, Lily, qui nous apparaît d'abord comme l'incarnation de la raison face aux lubies de ces filles et notamment de leur leader, Violet. Simple apparence car, dans ce film, aucun personnage n'est épargné par le réalisateur qui se moque gentiment d'eux ; nous sommes toujours l'idiot d'un autre, semble-t-il nous dire. Emmenée par Violet, cette joyeuse bande va alors s'évertuer à développer sa thérapie de prévention du suicide – les claquettes sont au programme, entre autres danses.

C'est un film beaucoup plus audacieux que « Metropolitan », première et principale œuvre du réalisateur (et seul autre film que j'ai vu de lui). Le temps a sans doute fait son œuvre mais je ne voyais rien dans « Metropolitan » qui sortait de l'ordinaire du cinéma indépendant de l'époque. « Damsels in Distress », au contraire, semble venir d'un jeune réalisateur désireux de bousculer un peu les codes préétablis. C'est notamment en faisant la part belle au burlesque, le grand oublié du cinéma d'aujourd'hui, que Stillman surprend voire choque un spectateur familier de la culture cinématographique naturaliste. Les dialogues sont très travaillés pour servir le non-sens qui traverse le film du début à la fin, cette absurdité se mêlant à un humour pince-sans-rire ravageur et parfois très subtil.

Cet humour sied particulièrement à Greta Gerwig, actrice qui m'étais jusque là inconnue. Elle jouit d'une expressivité incroyable et maîtrise un personnage de Violet qui semble lui être taillée sur mesure. Les autres acteurs, souvent issus du petit monde de la série télévisée américaine, sont parfois inattendus mais la plupart du temps efficaces (quoique l'avalanche est telle – The Office, Parks & Recreation, Arrested Developpment, etc. – que cela ressemble parfois à du fan-service).

En un mot comme en cent, Whit Stillman parvient à s'affranchir de la définition de la comédie telle qu'elle s'est construite depuis des années pour nous offrir une oeuvre atypique et définitivement agréable à regarder.
Hugo_Grellié
8
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le 2 nov. 2014

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Hugo Grellié

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