Quels sens nous définissent ? Quel est celui qui, si nous devions le perdre, emporterait avec lui notre raison ? Comment se comporterait l’humanité si elle devait perdre uns à uns, les seuls moyens dont elle dispose pour exister ? Comment, de manière individuelle, vivrions-nous ce cloisonnement progressif et programmé ? Comment nous adapterions-nous ? Quelles priorités deviendraient les nôtres ? Privés peu à peu de nos outils d’analyse primaires, quelle émotion prévaudrait ? L’amour ? L’abattement ? La folie? La résignation ? La panique ? Tout à la fois ?


C’est cette bonne idée de départ et ses conséquences parfois étonnantes que Perfect Sense répond de manière plutôt très réussie.


Tout n’est pas parfait, sans doute. Oui, les séquences en voix off (qui ne passent d’ailleurs pas si mal en VO) illustrant des plans que ne renieraient pas certaines pubs d’assurance sont parfois limites. C’est vrai, la perte simultanée du goût par l’ensemble des personnages d’une même pièce peut surprendre. Avouons-le, les afficionados d’action, punchline et explication finale twistesque en seront pour leur frais (cela-dit, je n’arriverai pas à me sentir désolé pour eux).


Mais tous ceux qui n’ont vu que les défauts du film ont raté l’essentiel.


L’essentiel est dans la beauté de certains plans, furtifs, tranchant avec ce que l’on a l’habitude de voir lors des fins du monde récentes (et récurrentes) encombrant nos écrans. Comme ce bus tanguant dans une rue pas encore totalement désertée par ses piétons.
L’essentiel est dans ces quelques idées inhabituelles et bien vues, comme par exemple celle d’associer la perte de chaque sens à une bouffée d’émotion dévastatrice. Ou comme celle de se désintéresser du destin de tous pour se focaliser sur celui de deux individus qu’aucun trait de personnalité ne prédispose à une empathie instinctive, si ce n’est le charisme et le charme d’Ewan et le joli minois d’Eva.
L’essentiel se situe dans les quelques idées de mise en scène (non, pas ce plan du vélo embarqué aussi inutile que laid, je vous l’accorde volontiers) accompagnant la perte de certains sens : les presque 10 minutes de silence peu avant la fin sont sacrément flippantes.
L’essentiel, comme me le disait un ami, consiste en un «bien bel agitateur de neurones et d’émotions», qui nous donne la folle envie dès la fin de la projection de sortir sentir, toucher, goûter, entendre, jouir de toutes les possibilités merveilleuses de notre corps.


Enfin, vivre, quoi.
De toutes façons, c’est pas dur, moi, l’écosse plombée par un ciel gris, je ne peux pas résister.
Alors si en plus on me propose d’ingurgiter de la mousse à raser dans une baignoire avec Eva Green…

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le 27 août 2012

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le 27 août 2012

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guyness

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