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Phantom Thread est un film très beau à l'écran, très léché, très soigné, à l'anglaise, aux détails soigneusement étudiés, aux costumes franchement réussis, aux plans très studieux et à la bande-son percutante. Mais, à la fin, malgré quelques scènes gracieuses, il n'en reste rien d'autre qu'un souvenir mitigé, et finalement un grand vide. Le film est en fait trop long, trop prétentieux, trop bavard et trop pseudo-symboliste. Phantom Thread est un fabuleux exemple d'un film qui a tout misé sur la forme, au dépend du fond, à l'image des films récents comme Dunkerque par exemple. Ainsi, dans le Londres des années cinquante, Reynolds Woodcock règne sur la mode anglaise, en compagnie de sa soeur Cyril, et est un grand créateur mysanthrope, compliqué et capricieux, qui a un grand mépris pour ses femmes. Alma va pourtant réussir à s'imposer dans la vie du héros, pour le chambouler, vivant avec lui une histoire d'amour complexe et presque agressive, faite de haine, d'incompréhension, de jeux de pouvoir et de passion. Comment dire donc cette incompréhension, cette impassibilité qui m'a saisi en visionnant ce film qui recelle beaucoup de scènes magnifiques du point de vue de l'esthétique? Comment exprimer cette sensation d'irritation, presque nihiliste, après avoir vu ce chef d'oeuvre formel, qui m'a fait me sentir dans cette grande Angleterre des années cinquante, mais qui ne m'a jamais, au grand jamais, plongé dans l'univers des Woodcock? Peut-être est-ce cette histoire d'amour, au schéma vu et revu, peut-être ce même cette grande fascination pour les biopics qui tendent à salir les hommes qu'ils décrivent, peut-être est ce justement cette trop grande beauté de l'image, qui frustre par l'absence réel de message, qui cherche à époustoufler plus qu'à montrer.
Le jeu des acteurs est absolument parfait, notamment celui des trois acteurs principaux Daniel Day-Lewis, Lesley Manville et Vicky Krieps, mention spectaculaire donnée à Lesley, qui incarne le personnage de Cyril avec brio et un flegme anglais magnifique. Cette Angleterre des années cinquante est rendue avec une grande beauté, et rares sont les oeuvres qui réussissent à mettre en lumière ce pays avec un si grand charme. Le spectateur se sent au Royaume-Uni, et aime le Royaume-Uni. Mais justement, à part ces grandes qualités, des scènes qui ont plus à voir à des oeuvres d'art qu'à des scènes de film, cette grande force des plans du petit-déjeuner ou des repas, ce jeu digne des Oscar des acteurs, il manque le souffle nécessaire au chef-d'oeuvre. Il y a dans ce biopic sans concession à la fois un manque d'originalité cruel, et en même temps un certain conformisme petit-bourgeois qui, par la psychanalyse et la trop grande justesse, nous fatiguent. Le film, comme une de ces créations anglaises de la maison Woodcock, est beau, mais manque certainement d'une touche, un peu plus fantasque et irrégulière : une autre façon de dire française...
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le 13 juin 2018
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