Entre deux Star Wars et deux films de super-héros, la firme Disney décide en cette année 2017 très chargée pour elle, de faire revenir à la vie la saga désormais culte du non moins célèbre capitaine Jack Sparrow. Débutée en 2003 sous la direction du talentueux Gore Verbinski, Pirates of the Caribbean aura surtout été deux très bon divertissement. Avec un premier film exaltant et plein de fougue malgré des longueurs et des errements qui entachaient un peu son rythme, la franchise avait assurément marqué son public avec ce blockbuster de très haute tenue avant de revenir en 2006 avec un deuxième film supérieur en tout points. Même si il souffrait des mêmes défauts du 1 en terme de longueurs et de rythme, il enchaînant avec une précision absolue les moments d'anthologies. Verbinski déployait toute la maîtrise et l'ingéniosité de sa mise en scène dans un divertissement complexe, sombre et sans concessions qu'il en devenait admirable. Malheureusement, la trilogie se clôture de façon bancale avec un 3ème film plus sujet aux facilités, aux sous-intrigues inertes et une longueur éreintante mais contrebalancé par quelques fulgurances qui en faisait un film en raccord avec les deux précédents mais aussi un blockbuster loin d'être honteux malgré la déception. L'histoire était achevée, Gore Verbinski ne voulait pas rempiler et tout semblait donc fini. Mais c'est sans compter l'appel de l'argent qui engendra un 4ème opus avec la même équipe technique mais avec Rob Marshall en réalisateur. La magie n'était plus la même, il y avait un cachet visuel encore solide mais le scénario était répétitif et la mise en scène bien fade.


Même si il reçut un accueil critique des plus frileux, ce 4ème épisode avait plutôt bien marché au box office, de quoi offrir à la saga une suite. Mais les producteurs ont voulu jouer la carte de la prudence et créer une attente autour d'un éventuel 5ème volet. Pirates of the Caribbean revient 6 ans après le dernier film pour venir continuer les aventures du célèbre Jack Sparrow. Sous la houlette d'un duo de réalisateurs norvégiens, avec une toute nouvelle équipe technique et un nouveau scénariste, ce nouveau film se veut plus en accord avec l'épisode 1 et tente de s'imposer comme le véritable héritage de la trilogie d'origine. Cela explique pourquoi on retrouve tout les personnages des premiers films et pourquoi les vrais héros de celui-ci ne sont autre que les enfants de ces derniers. Et à ce niveau, le scénario va user de beaucoup de facilités pour lier les personnages entre eux dans une intrigue prétexte, déjà-vu (étant presque un remake déguisé du 1) et qui au delà de sa paresse se permet même d'être incohérente avec les précédents opus. L'exemple le plus flagrant étant que pour lancer l'enjeu du film, Jack doit se séparer de sa boussole qui est sous l'emprise d'un sort depuis qu'il l'a possède. Il faut qu'il s'en sépare pour que Salazar, méchant caricatural et inintéressant, puisse partir à sa recherche. Non seulement le film sors cette intrigue de son chapeau et trouve un prétexte bidon pour que Jack se sépare de sa boussole en oubliant totalement qu'il s'en séparait déjà dans la trilogie originelle sans que cela ne libère une quelconque malédiction. Et la plupart des développements du film seront de ce niveau, celui-ci ne pouvait avancer sans faire insulte à la cohérence de la saga et n'a au final aucun lieu d'être.


Surtout que les vieux personnages n'ont pas utilités à être présent, Barbosa, anciennement un des personnages les plus charismatiques de la trilogie, est ici tourné en ridicule avec une intrigue qui aussi ne devrait pas être possible avec la timeline de la saga mais en plus Jack Sparrow n'est plus que l'ombre de lui-même. Le personnage est totalement déconnecté du film à tel point que sa présence est presque dispensable, il semble forcé dans le récit et sa seule fonction est d'engendrer un humour bas du front très loin des standards qualités des premiers films. L'écriture est donc risible au possible, les personnages sont vides, l'histoire est prévisible et paresseuse et le film cède à l'appel du message féministe mais le fait avec la subtilité d'un tank qui traverse un magasin de porcelaine. Le personnage féminin, supposément voulu fort, est une blague de mauvais goût qui n'a que pour seule ligne de dialogue le fait de répéter en boucle que c'est une scientifique pour casser l'image que l'on se faisait des femmes à l'époque (elle est souvent qualifiée de sorcière ou entourée de blagues douteuses sur le statut de femme au foyer ou de prostituées) mais elle est pourtant totalement réduite à son rapport aux hommes. Ses seuls développements concernent sa romance avec le beau gosse de service et sa quête du père car ce n'est qu'a travers lui qu'elle saura qu'il elle est. C'est difficile de faire plus réducteur dans le genre sauf quand elle ne sert qu'à l'intrigue en tant que carte, littéralement elle est juste là pour décrypter une constellation, et que le seul moyen de prouver qu'elle est un personnage intelligent, fort et de caractère c'est de le dire explicitement. Il ne suffit pas de dire la chose pour en faire une vérité et elle apparaît plus comme un quota où l'on imagine bien les producteurs forcer le trait pour éviter polémique ou autre. C'est une volonté opportuniste de plaire aux spectateurs en se faisant passer pour ouvert d'esprit alors que sa traduit une démarche et une exécution plus que douteuse.


C'est quelque chose assez fréquent dans les blockbusters actuels et qui va au delà du féministe mais même si la volonté de se montrer plus ouvert et de laisser plus de place aux diversités est totalement louable, il faudrait aussi que ce soit sincère. Elizabeth dans les premiers films était un personnage complexe, nuancée et avec un vrai caractère ainsi qu'une personnalité. Car elle était avant tout écrit comme un personnage. Son rapport au père était plus conflictuel, elle était loin de l'ingénue parfaite que l'on aurait pu croire de prime abord, elle sortait des stéréotypes et s'émancipait de son statut de demoiselle en détresse et surtout ne reniait pas ses désirs et son côté sombre. C'était un personnage moderne car écrit en tant que tel, avec toute ses nuances, ses qualités et ses défauts. Ici, ce n'est pas un personnage que l'on nous donne mais la caricature lisse et déplacée de ce que l'on croit être une femme forte. L'écriture est donc honteuse à tout les niveaux mais les personnages ne sont pas non plus aidé par un casting au charisme éteint et au talent inerte. Les jeunes sont totalement oubliable tandis que Goeffrey Rush donne l'impression de ne pas savoir ce qu'il fait là, Javier Bardem est très caricatural de sa prestation de méchant et Johnny Depp agace avec ses pitreries. Son personnage dénué de nuance désormais, dévitalise sa performance qui n'en devient qu'une parodie totalement vide et même pas drôle.


Les rares réussites du film proviendront donc de sa réalisation. Même si techniquement on est très loin de la maîtrise visuelle des précédents volets, le 4 inclus, la faute à une utilisation systématique des effets spéciaux alors qu'il était utilisé avant avec parcimonie. Là on est dans un blockbuster lambda, aussi lisse que ce que nous habitue de plus en plus Disney dans ces productions où le tout se veut ouvertement coloré et fun. La photographie est plutôt sympa mais loin du côté palpable et authentique du travail effectué par Dariusz Wolski sur les 4 précédents opus. Le tout est beaucoup trop saturé de fond verts et effets pyrotechniques pour avoir un quelconque caractère surtout que ce n'est pas aidé par un montage beaucoup trop cut, rendant les affrontements par moments illisibles et le tout est emballé par une musique sans inventivité qui réutilise les thèmes cultes de la saga mais sans le même savoir faire. Après la mise en scène de Joachim Rønning et Espen Sandberg est plutôt passable, notamment à travers des set pieces bien plus inventifs et énergiques que ce qu'avait livré le quatrième film très avare en la matière. On sent une volonté de retrouver l'énergie des épisodes de Verbinski mais cela ne fait que souligner que les deux réalisateurs n'ont pas sa fantaisie et son sens du grandiose. Même si un ou deux passages se révèlent bien emballés et divertissants on reste face à du divertissement calibré et sans génie.


Pirates of the Caribbean: Dead Men Tell No Tales est l'épisode qui arrive après l'épisode de trop et qui vient finir de couler un bateau qui avait méchamment commencé à prendre l'eau. A part une ou deux séquences qui sortent du lot, il n'y a absolument rien à sauver dans ce film générique au possible qui est tellement mal écrit qu'il n'en respecte pas sa saga mais pire encore, qui ne respecte pas son public. On a souvent l'impression d'être pris pour un con par ce film qui tente de faire passer les pires énormités comme si de rien était avec une ferveur qui forcerait presque le respect. Les acteurs sont à la rue et les effets spéciaux en surabondances amoindrissent une réalisation globale correcte mais terriblement lisse. Un film qui n'était pas à faire et qui devrait finir ce massacre autour de cette franchise. Mais malheureusement, les critiques favorables de ce produit désincarné risque de le consolider dans son succès. Car il y a des chances que ce film marche et que l'on continue donc à étirer la saga jusqu'à la noyade alors qu'elle aurait dû en rester à la trilogie de Gore Verbinski.

Frédéric_Perrinot
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le 26 mai 2017

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