Un film en costume sur la condition féminine ? Je vous vois froncer les sourcils d’ici !
Pourtant, que nenni, la dernière création de Céline Sciamma est à la fois passionnante, troublante et unique en son genre.
Par petites touches, toutes minimalistes, mais aussi toutes puissantes, le tableau prend forme avec un rythme lent et des tons froids, pour ensuite aborder les couleurs de la passion jusqu’à littéralement prendre feu et déborder du cadre imposé par la société !
Avec une frugalité de lieux et de personnages et uniquement 2 morceaux de musiques, le film repose presque essentiellement sur sa beauté formelle et sur les regards échangés.
Chaque plan est travaillé à la façon d’un tableau, couleurs, éclairage, cadrage, rien n’est laissé au hasard et les images délivrées par Claire Mathon sont un émerveillement constant.
L’économie ne veut pas dire film à petits moyens. La reconstitution d’époque est charmante et la texture des costumes est absolument superbe, nous sommes plongés dans une époque révolue avec soucis du détail.
Le scénario est une merveille qui met en avant les regards, que ce soit ceux directs et francs, ceux plus mystérieux ou volés, ou encore ceux de la société. Les échanges entre Adèle Haenel et Noémie Merlant font des étincelles inattendues, le jeu des deux actrices est non seulement parfait mais en prime, il rajoute une couche profonde sur les regards. Brassens le chantait si bien (elle) "se laissaient toucher par les charmes du joli tableau", qui du peintre ou du modèle regarde réellement l’autre ? Quand perçoit-on le désir de l’autre… et le sien ? Comment un portrait évolue au fur et à mesure que l’on apprend à connaitre l’autre et qu’on le désire ?
Ce film est aussi sur la puissance du souvenir, comme un tableau oublié, ressorti des années plus tard et qui reste toujours aussi éclatant et vivace.
Il n’y a aucune ombre au tableau, ou plutôt si, mais que celles voulues par Céline qui maitrise parfaitement son film du bout de son pinceau.