Que diriez-vous d'une adaptation par Coppola de Tenessee Williams, mis en scène par Pollack ?
Et pour interpréter tout ça, Redford (normal, c'est Pollack) et Natalie Wood ?
Autour, une pléthore de second couteaux somptueux: Charles Bronson, Kate Reid ou Robert Blake. Alléchant, non ?

C'est du Sydney Pollack. Jeune, certes, mais du Sydney quand même, et les bases de son talent sont là. Le sens de la narration, du rythme, la direction d'acteur, l'humanisme de l'histoire.

C'est du Tenessee, aussi. Comparé au côté phraseux des autres oeuvres (que j'ai) vues (il me manque au moins "doux oiseaux..." et revoir la "chatte sur un toit brulant"), cette « propriété interdite » est très sobre dans ses dialogues comme dans la destiné de ses personnages. Pas de drame permanent (même si talentueusement écrit et joué) et de personnages écorchés vifs du début à la fin du métrage. Ça repose. Et ça n'en est que meilleur.

Le personnage d'Owen Legate, interprété par Robert Redford est intéressant. Certes un poil caricatural dans son côté "je n'ai pas de rêve", mais assurément complexe. Certes Redford fait du Redford (surtout dirigé par Pollack), c'est un peu toujours le même rôle, du moins par son côté romantique.
Mais ici, il campe un employé de la compagnie des chemins de fer venu dans un patelin paumé pour mettre une grande partie des cheminots au chomedu.
Un côté héros/anti-héros pour le moins rare: il est à la fois sympathique (voir comment il connecte directement avec Willie) et raisonnablement détestable. La façon dont il "gère" moralement son travail est un des points forts du film. Pas de justification, pas d'apitoiement. Il considère son job froidement comme quelque chose de nécessaire, et cela résonne de manière bien précurseuse (ce que j'aime néologiser !) des époques à venir (le tournage date de 1965).

Enfin, comment ne pas parler de Natalie Wood, figure centrale du film ?
C'est rien de dire que le film repose un poil sur ses épaules. Et, une fois n'est pas coutume, la partition n'est pas linéaire. A l'image du charme, d'ailleurs. Si Natalie se montre un tantinet en sur-régime lorsqu'elle joue les scènes de séduction inaugurales, ou dans ses premiers moments avec Bob, elle prend une tout autre dimension dès la première cassure intervenue (le départ d'Owen). La soirée au cours de laquelle elle décide de rompre avec sa mère et de se marier avec J.J. est réellement poignant. Avec le même style de contraste, elle peut se révéler parfaitement envoûtante à certains moments et totalement plate d'autres. Le jeu n'est pas forcément en cause, cela est sans doute davantage dû au texte qu'elle porte.

Reste ce moment magique, ou elle apparait dans une nuisette dont le transparent n'a d'égale que le parfait de sa plastique.

Mais, là, on s'éloigne un peu des considérations artistiques, non ?
guyness

Écrit par

Critique lue 2.3K fois

21
7

D'autres avis sur Propriété interdite

Propriété interdite
Halifax
8

Mais moi j'aime pas les fraises

Sidney Pollack, Robert Redford, Natalie Wood, du beau monde à l'affiche de ce Propriété Interdite. Redford est encore jeune, dispose d'un emploi de connard en chef, il le sait, il l'assume mais il...

le 8 juin 2015

12 j'aime

3

Propriété interdite
gaatsby
8

Critique de Propriété interdite par gaatsby

Film de Syndey Polack, Propriété Interdite est une adaptation d'une pièce Tennessee Williams qui mériterait à mon avis d'être plus connu. L'action se déroule dans les années 30 dans une petite ville...

le 18 juin 2014

12 j'aime

2

Propriété interdite
JeanG55
8

This Property is Condemned

Le cinéma de Sydney Pollack a souvent ceci de particulier, c'est qu'il marque durablement le spectateur que je suis. "Jérémiah Johnson" (un des meilleurs westerns que je connaisse), "nos plus belles...

le 16 déc. 2023

5 j'aime

2

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

314 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

296 j'aime

141