La mise en scène par procuration

Un tel film pose évidemment un sérieux problème d'appréciation : il est magnifique, mais il n'a (en grande partie) pas été fait par son réal' ! Parce que, soyons clairs, Gus Van Sant est sans doute pour très peu dans sa qualité. Et pour cause, il ne change presque rien du mythique (parfait, et donc intouchable, bien que je ne sois pas parmi ses plus grands fans) original. La vision du remake produit ainsi une drôle de sensation, celle de regarder un film par défaut, un "faux". Que vaut la copie par rapport à l'original ? C'est la question que l'on se pose durant tout le visionnage, partagé entre la perfection du film, son suspense formidable, et la pensée inévitable "c'est trop facile". Si le film de Van Sant a bien une qualité, c'est celle de nous rappeler à quel point Hitchcock est un génie, parce qu'il est clair que GVS (qui n'a il est vrai jamais fait de thriller à part ce film-là) n'aurait jamais pu créer une telle oeuvre (uniquement au point de vue mise en scène) "ex nihilo". Pour prendre un autre exemple que la scène de la douche, la scène de dialogue entre Marion Crane et Norman Bates fait ainsi montre d'un talent incroyable (preuve encore une fois que les plus grands cinéastes savent magnifier jusqu'aux champs-contrechamps), talent qui est celui d'Hitchcock et sûrement bien peu celui de GVS. Je dois admettre que je ne sais pas trop quel travail a nécessité ce remake à son auteur, et même en le sachant ça me gêne beaucoup de juger un film sur le travail qui a été fourni pour le faire, évidemment la valeur de l'oeuvre ne vient pas du travail... Tout ça est bien compliqué ! Bref, ce film me pose de gros problèmes et c'est sans doute fait pour. Parlons des Psycho dans ce qu'ils ont en commun (c'est-à-dire beaucoup) et là je dois répéter que la mise en scène est magistrale, phénoménale, mais que je suis légèrement embêté par le dédain quasi total du cinéaste pour ses personnages. Psychose est en fait déjà maniériste en lui-même (avant tout ce qu'il a pu engendrer : ses suites, ainsi que Pulsions, L'Esprit de Cain, et donc ce Psycho), et je dois dire que je n'arrive pas à mettre 10 à un film ouvertement maniériste, je bloque. Finalement, Psycho 98 est peut-être plus à considérer comme un court-métrage, composé de ce que GVS ajoute au film d'Hitchcock, c'est-à-dire le premier plan, les plans très courts durant les scènes de meurtre et la masturbation de Norman Bates, autant d'éléments bien peu fondamentaux somme toute. Non, je suppose que le film vaut mieux que ça alors je mets 6, pour mettre moins qu'au "vrai" (8), mais honnêtement j'en sais trop rien.