Inégalé, n'en déplaise à ses détracteurs

Pulp fiction représente l'incarnation d'un cinéma alternatif, se jouant des codes traditionnels pour mieux se les réapproprier, dans sa narration, dans ses dialogues, dans son style visuel, dans sa bande sonore, dans ses personnages.
Tout d'abord, il faut replacer ce film dans son contexte, ce que beaucoup d'internautes omettent de faire dans leurs critiques, ou parce qu'ils ne s'en souviennent plus, ou parce qu'ils sont "jeunes" et n'ont pas connu les années 90 (les malheureux!)
Pulp fiction est sorti à une époque où le DVD, internet et la VO n'existaient pas. Ainsi, lorsque la VHS fut enfin disponible en vidéo club, il est évident que ce film suscitait alors toutes les convoitises, comme un objet de fantasme étrange, une sorte d'ovni cinématographique, quelque chose de jamais vu auparavant et qu'il était difficile de définir en ces temps "reculés".
Cependant, force est d'admettre qu'il a fait l'unanimité, et c'est ici toute sa magie. Tout le monde, à quelques rares exceptions près, ne pouvait alors que constater l'originalité et le génie du film.
Même le festival de Cannes, pourtant habitué à encenser le cinéma d'auteur pénible ("Rosetta", des frères Dardenne...), n'eut pas d'autre choix que de lui attribuer la palme, probablement à contrecœur...
Vous remarquerez que je n'ai pas encore mentionné une fois le nom de "Tarantino", car le public de l'époque considérait Pulp fiction comme une œuvre à part entière, indépendamment de son auteur (alors méconnu), ce qui change absolument tout en comparaison aux considérations imbéciles du public actuel.
En effet, l'avènement d'internet, allant de paire avec le snobisme de la VO, permis ensuite dans les années 2000 à un nouveau public d'émerger: celui de la bêtise et de l’irrationalité.
Cette bêtise, à la fois humaine et contagieuse, pouvait enfin s'exprimer librement sur la toile, et les premiers détracteurs de Tarantino de même que ses plus fervents admirateurs ont alors poussé comme des champignons, disant tout et n'importe quoi en toute impunité (la stupidité est légale...)
Il fut alors de bon ton de critiquer une œuvre que tout le monde appréciait jusqu'à présent, comme pour se démarquer et faire valoir une certaine originalité dans son point de vue.
Ces détracteurs ne perçoivent ainsi à aucun moment que cette "haine" gratuite et infondée en dit long sur leur niveau culturel et sur le cinéma qu'ils apprécient.
Cependant, il est tout à fait possible d'avoir été insensible au film à l'époque, ce qui est alors un point de vue qui se comprend et qui est respectable, à partir du moment où il est formulé en toute bonne foi.
J'ai beaucoup plus de mal avec tous ces internautes frustrés et belliqueux, qui s'obstinent tous en chœur à répéter bêtement la même chose: que le film est constitué de blabla vide de sens (jamais un film n'a fait mieux en terme de dialogues), que les acteurs jouent mal (qu'est ce qu'un détracteur de Pulp fiction peut bien y connaitre en jeu d'acteur?), qu'il n'y a pas de fil conducteur dans l'histoire (c'est précisément l'intérêt), que la musique est pompée (on s'en fout, c'est son utilisation qui compte), que la violence est gratuite (elle est utilisée comme ressort, comique ou dramatique) bref, ce genre de considérations stupides qui n'avaient pas de raison d'être auparavant, et qui sont aujourd'hui très largement répandues.
Les spectateurs actuels préfèrent en ce sens copier l'avis des autres pour s'inscrire dans un mouvement branché (les "détracteurs de Tarantino", ouaiiiiii!) plutôt que de réfléchir à ce qui les a vraiment dérangé dans ce film (car encore une fois, il est tout à fait possible d'y avoir été insensible)
C'est cette mauvaise foi intellectuelle que je dénonce ici, et je n'essaye évidemment pas de défendre ce chef d’œuvre absolu qui n'a clairement pas besoin de moi pour être apprécié par ceux qui aiment réellement le cinéma, et qui n'essayent pas de l'utiliser pour briller en société ou pour obtenir une quelconque adhésion sur internet.