Cette sensation que propose Disney part de ce qui a fait sa gloire auparavant, une gloire plus prospère, sans jugement et sans préjugés, en apparence. C’est justement ce que l’on combat dans tous les médias et autres supports qui prônent avant tout l’unité, avant même de parler d’égalité. Sans trop sombrer dans le piège de la coquetterie de cette dernière thématique, où il est nécessaire de suspendre un modèle féminin surqualifié pour l’emploi et d’ôter tout ce qu’il y a d’humain pour une identification, Don Hall (Les Nouveaux Héros) et Carlos López Estrada (Blindspotting) ont opté pour ces valeurs familiales, dans la normalité, qui font rarement défaut aux héros comme aux méchants. Mais à l’heure où il n’est plus préférable de donner un visage au mal qui habite cet univers, sa représentation demeure finalement plus pertinente et convaincant, dès lors que l’on y parsème de la nuance dans protagonistes. Il s’agit d’une formule qui continue d’inspirer les plus belles prouesses d’un studio, qui prouve que rien n’est entièrement perdu.


Il ne s’agira pas simplement de rassembler les fragments d’une sphère sacrée afin qu’un dénouement joyeux se déroule comme une gigantesque friandise, trop sucrée et trop colorée. Pourtant, il est d’usage d’y injecter un peu de magie et donc des teintes relevées, au cœur d’une région où la cohabitation semble impossible. Mais cette forte inspiration à l’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Vietnam, Laos, Cambodge, Indonésie, Malaisie et Singapour notamment), laisse perplexe dans la mesure où le film prend la responsabilité de scinder les cultures, comme il distingue les climats respectifs de chaque tribu. Ce profond désir d’ouvrir les frontières rencontre bien évidemment ses limites, si l’on tend à généraliser une collision de personnalités atypiques et qui cultivent leur propre démon. Malgré tout, on ne nous offre qu’un seul ici, quelque chose de difforme et qui s’empresse bien de reconnecter l’humanité à l’âge de pierre, afin que les survivants prennent enfin conscience de ce qui leur reste à bâtir pour un avenir commun. De même, il pourrait s’agir d’un témoignage, où manque de confiance punit les innocents.


Autour de l’intrépide Raya, la sensibilité de Kelly Marie Tran insuffle le bon équilibre entre la tendresse d’une princesse et la subtilité d’une guerrière-aventurière. L’héroïne a sa part de misanthropie et de complexité pour satisfaire une belle ascension, à l’échelle de ses sentiments. Mais forcer l’unification, par la tromperie et autres cambriolages revanchards, c’est un peu de maladroit dans un sens, mais le spectacle se referme souvent sur les plus conservateurs. Nous avons donc droit à l’apparition du dernier dragon, Sisu, où l’on reconnaît le zèle du Mushu d’Eddie Murphy et la qualité du génie de Robin Williams. Awkwafina s’arrache une prestation solide et fine, donnant ainsi un cachet mélancolique au personnage, qui sera évidemment la clé de voûte dans le succès du récit. Succès que l’on doit également au souffle de James Newton Howard, qui enchante Kumandra et ses vestiges. Mais ce que l’on doit retenir de cette escapade, marquée par la disparition des liens sociaux, c’est qu’il est bien nécessaire de soi-même évoluer avant de vouloir changer le monde. Cette observation universelle, chère aux valeurs du studio, ne s’applique pas exclusivement à la rivale Namaari (Jona Xiao) et ses déclinaisons, mais bien à ceux dont les croyances du cercle familiale ne suffisamment plus à faire vivre un pays qui déguise sa régression dans un laxisme idéalisé.


Il est toutefois regrettable de sacrifier de la personnalité à un tel projet, car cela sonne ainsi, derrière chaque sous-titre qui s’empresse de poser quelques totems de la culture locale, sans réellement investir ce qu’elle symbolise. Tout est servi dans un même panier, dans l’espoir de catalyser la noblesse du propos, à savoir l’épanouissement du voisinage, couplé à une ouverture d’esprit toujours bienvenue, si nous pouvons moins la survoler ou la banaliser. Ainsi, « Raya et le dernier dragon » a de quoi nous faire oublier le dérapage du remake de Mulan, qui ne souhaitait pas atteindre la clairvoyance de cette animation sans concession. Il n’y a qu’un sentiment de partage et bonté qui s’en dégage, au prix de lourds sacrifices, nécessaires et judicieux, que ce soit au sein de l’univers ou autour d’une production qui ne manque pas de faire savoir son enthousiasme. En scrutant d’un peu plus près le doublage original, il est évident que le projet s’engage dans une lutte toujours aussi pertinente. Mais une fois encore, Disney ne détient qu’un seul fragment dans une œuvre inaboutie dans ce qu’il souhaite défendre, mais qui trouve toutefois le réconfort dans le divertissement d’action audacieux qu’il propose.

Cinememories
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le 4 juin 2021

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