Rendez-vous par Alligator
Merde, quelle déception! Je m'en faisais tout un film, grandiose, lubitschien à tout point de vue, et voilà que mes pérégrinations en songes prémonitoires et optimistes, dans une illusoire ferveur lubitschofanantique, débouchent avec quelle amertume sur un film juste bon.
A la place d'un colosse, d'un classique indémodable que j'aurais envie de voir et revoir je me retrouve comme un benêt avec un film que j'ai déjà assez vu.
James Stewart est excellent, rien à médire, bien au contraire. Sa jeunesse ne laisse pas place à un jeu immature, peu coordonné, non non, le bougre est déjà d'une justesse charmante, millimétrée. Déjà sortant de l'ordinaire, le bougre émeut, ravit et enchante.
Par contre la jolie, très jolie Sullavan ne parvient pas une once de seconde (oui oui) à me faire oublier une Greta Garbo, une Colette Colbert, et même une Jennifer Jones, autrement plus pétulantes et carossées dans leur verbe comme dans leurs gestes. Dommage.
Au départ, j'ai bien apprécié cette petite virée au pays de l'équipe de vente de chez Matuschek, trouvant ici et là quelques menues répliques rigolotes, quelques oeillades chafouines, bref du Lubitsch déluré, pétillant, espiègle. Et puis, au fur et à mesure que le film se déroule force est de constater un peu tristement que l'emballement attendu se fait attendre en vain. Le dynamisme, la folie, le charme, tous les éléments propres au cinéma de Lubitsch ne sont pas au rendez-vous. Ou par bribes. D'autant plus décevantes : on y goûte à peine qu'on nous souffle la tasse des lèvres.
Finalement, c'est amusant. C'est tout. Même Stewart malgré son indéniable présence n'arrive pas à donner l'étincelle à ce scénario.
Une comédie romantique où les deux tourtereaux ne peuvent se bécoter qu'à la fin se doit d'avoir une montée de désir, une sorte de suspense du coeur. Or point de petite boule au creux de l'estomac. Sullavan est trop fade pour qu'on ait envie que Stewart l'emporte.
Pour couronner le tout Stewart s'organise petit vicelard tordu sur la fin en lui infligeant une vile déconvenue, la mettant sur un gril indigne d'un gentleman, rien que pour se faire mousser, salopard! Y a des paires de calottes qui se perdent!