« Things, I gather, have gone out of control »

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Alors que les jeux vidéo Resident Evil connaissent un large et surprenant succès à la fin des années 1990 sur Playstation 1 et que l’industrie cinématographique voit de plus en plus le jeu vidéo comme un nouveau matériau d’adaptation potentiellement lucratif, la saga est logiquement portée sur grand écran au début des années 2000, par Paul W.S Anderson. Lui qui avait déjà mis un pied dans l’horreur avec Event Horizon et l’autre dans l’adaptation du jeu vidéo avec Mortal Kombat semblait sans doute un choix cohérent sur le papier il faut le reconnaître, même si je n’ai jamais pu supporter personnellement sa première adaptation de la franchise sanglante de versus fighting.


En préambule, j’aimerai précisé que Resident Evil est une saga très particulière pour moi car elle m’a profondément marqué dans un contexte où je devais avoir 9-10 ans tout au plus quand j’y ai joué et que j’ai vu pour la première fois son adaptation en film. Je me souviens très bien qu’**à l’époque je considérais que c’était le premier film d’horreur que je voyais,** ça explique aussi peut-être une partie de ma critique, en tout cas ça me semblait utile de vous le signaler. Mais sans plus attendre, voyons ce que j’en pense avec un regard plus adulte, je vous propose l’écoute du thème principal dans cette version étendue et remasterisée.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★☆☆☆☆☆


Plutôt que de reproduire à l’identique le scénario nanardesque et incohérent du jeu original, parce qu’au bout d’un moment il faut dire les choses comme elles sont, c’est un tout nouveau scénario qui se contentera de clins d’œil à l’univers des jeux mais qui développe sa propre intrigue et avec elle ses propres personnages. On reprend tout de même l’idée première d’un groupe d’hommes et de femmes armées et entraînées venant enquêter dans un manoir puis un complexe souterrain en faisant face à une collection de zombis et monstres divers mais une première différence de taille avec le scénario du jeu c’est l’ajout dans l’équation d’une IA meurtrière contrôlant le complexe. C’est un postulat de départ qui se défend, même si ça reste encore à être de qualité, ce qui ne va pas forcément être le cas.


Il ne faut pas longtemps pour que les premières incohérences majeures du récit fassent leur apparition avec le comportement de cette IA devenue folle et la manière sadique de tuer les occupants de ce labo souterrain pour contenir la menace de propagation du virus. En effet, elle doit savoir que des gens sont dans l’ascenseur et donc ne pas attendre d’en voir un pour agir et si son but étant de tuer pour contenir les infectés, elle ne devrait pas prendre la peine de « jouer » avec les nerfs de ses victimes comme elle semble le faire, idem pour le célèbre couloir avec les lasers, pourtant l’une des scènes les plus appréciées du film. La cohérence scénaristique est mise à mal dès que le réalisateur croit avoir trouvé une idée de mise en scène qu’il juge un peu cool.


Ça donne une première idée de la qualité toute relative du produit final et ça ne sera que confirmé par bien d’autres aspects du film. Les premières morts sont celles de personnages auxquels on n’a pas pu s’attacher vu leur très faible temps d’apparition à l’écran, donc on ne risque pas de ressentir de la tension dans ces scènes, et ce premier échec est assez symptomatique de ce que sera le film plus généralement, des mises en danger maladroitement amenées pour des morts de personnages secondaires dont on se fout un peu. Et ce ne seront pas les personnages principaux qui relèveront nettement le niveau, même s’il y avait parfois un petit potentiel qui limite un peu la casse.


Tout d’abord, les personnages principaux sont des femmes, pour un film d’action adapté d’un jeu vidéo c’est pas si souvent que ça arrive et son succès a pu servir de point d’appui auprès d’investisseurs pour justifier qu’un film d’action peut comporter des héroïnes tout en réalisant de bons bénéfices, même si le public visé est davantage masculin, vu le public sur le jeu vidéo à cette époque, tout particulièrement pour le milieu naissant du survival-horror. Ainsi, Michelle Rodriguez incarne le soldat garçon manqué badass comme elle sait le faire à une époque où elle n’était pas encore trop connue pour ça et avec une efficacité qu’on ne peut que lui reconnaître.


La reine rouge constitue quant à elle une antagoniste relativement charismatique avec son apparence et sa voix d’enfant dissonant avec le détachement émotionnel évident de ses décisions. Ses motivations de contenir l’infection rationnellement opposée à celle des survivants de simplement se tirer de là en vie sont intéressantes sur le papier et si son sadisme n’est pas très bien justifiée comme je l’ai mentionné plus tôt, il a le mérite de lui conférer une identité certaine. Je trouve par contre que Alice, la protagoniste principale tout de même, manque de personnalité tout du long, même quand elle recouvre la mémoire, c’est pourtant de son point de vue qu’on vit la plupart des scènes.


De la même manière, je trouve que le personnage incarné par James Purefoy, très bon acteur notamment dans la série TV Rome, manque cruellement de présence et de charisme pour le rôle qu’on lui découvre en cours d’intrigue. Pourtant, il y avait quelque-chose à faire de ce scénario avec cette amnésique amenée de force par ces militaires dans ce complexe infesté de zombis et dont l’équipe comprend un traître, voilà comment j’aurais vu les choses :

J’aurais préféré que Alice et Spence ne fassent qu’un seul personnage, elle aurait fait semblant depuis le début d’être amnésique pour finalement révéler son implication dans l’infection et passer d’héroïne à antagoniste, aidant le résistant pour mieux le piéger et détruire les preuves ou récolter les échantillons, ayant induit l’équipe à déconnecter la reine rouge pour couvrir ses traces… à la manière d’une Ada Wong. Ça aurait offert toute une seconde lecture au film. Elle seule finirait par sortir vivante du complexe, une fin sombre, étonnante et plus marquante que la fin finalement adoptée.

Le retournement final tel qu’il est fait relance à peine l’histoire et la fin est à la fois un dénouement incohérent et un teasing grossier pour la suite. Je comprends la volonté de paver la voie pour une suite tant le potentiel au box-office est là, mais ce n’était pas obligé de le faire d’une façon aussi peu glorieuse, donnant le sentiment que le film se termine là où il aurait dû commencer finalement vu son tournant action très marqué. Sinon, il y a un petit discours sur le fait que le danger est issu d’une entreprise qui en façade développe des produits d’intérêt commun alors qu’à l’insu de la plupart de ses employés ce n’est pas du tout le cas, même si le discours n’est pas tant exploité que ça. Et cet échec teinté de potentiel et de maigres réussites ne se constatent pas que sur pour ce domaine scénaristique.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★☆☆☆☆☆


Avec le budget très confortable de 32 millions de dollars, ce qui aurait été particulièrement élevé pour un film d’horreur de l’époque, le choix de réalisation s’est plus tourné vers l’action sanglante, qui a toujours été un aspect important de la saga même si une grande partie des fans du jeu vidéo horrifique auraient sans doute préféré une approche plus viscérale. Pour ma part, ce choix n’est pas un problème en soi, il ne trahit pas totalement l’esprit du jeu qu’il adapte et il peut tout à fait donner quelque chose de réussi si le choix est assumé et que la qualité d’exécution suit.


Mais déjà, le premier problème c’est que pour combler ces attentes des joueurs, premiers spectateurs visés bien évidemment, Anderson s’est senti obligé de ne pas abandonner totalement le registre horrifique et s’est donc forcé d’adopter quelques choix de mise en scène qui sont pensés pour faire peur mais qui sont tous simplistes et inefficaces. La flopée de jump scares parfaitement idiots, prévisibles et inutiles en témoignent, bien loin de la proposition radicale, quoi qu’on en pense, d’Event Horizon qui laissait espérer bien mieux de la part du réalisateur.


La partie action est parfois un peu plus réussie en terme de mise en scène, comme quand la caméra devient subjective ou à l’épaule sur quelques plans.... Mais surtout, la mise en scène et les choix esthétiques sont parsemés de clins d’œil au jeu vidéo qui passent bien comme le Licker qui marche au plafond, le chien zombifié qui passe par la fenêtre, le manoir comme anti-chambre de ce qui nous attend, l’économie de munitions une fois la première grosse fusillade passée... sans que les références soient trop appuyées, ce qui est plutôt de bon goût.


Pour les costumes, seule la robe rouge d’Alice superbement élégante se démarque, surtout avec le contraste face aux zombis en décomposition pour lesquels le maquillage fait plutôt bien le travail, les créatures monstrueuses sont assez différentes les unes des autres avec des blessures et difformités assez répugnantes, il n’y avait pas besoin d’aller plus loin. Par contre, les décors que l’on va suivre le plus souvent sont très impersonnels, des laboratoires, des hangars avec des caissons… ce n’est pas bien passionnant à regarder, un peu plus d’ingéniosité sur le sujet aurait été préférable et même dans un complexe scientifique souterrain c’était possible.


Pour ce qui concerne l’OST, composée par Marilyn Manson et Marco Beltrami, j’aime bien le thème musical principal qui nous est resservi plusieurs fois, notamment pour ouvrir et clôturer le film, mêlant les percussions sèches et les notes cristallines assez intelligemment. Néanmoins, il y a quand même beaucoup de musiques de piètre qualité et/ou montées un peu aléatoirement dans le film. De plus, il aurait sans doute été bienvenu de s’inspirer un petit peu plus des thèmes les plus emblématiques des jeux vidéo, il y avait vraiment de quoi faire.


CONCLUSION : ★★★★★☆☆☆☆☆


Après l’adaptation de Mortal Kombat, Paul W.S Anderson confirme avec cette adaptation de Resident Evil ce statut de réalisateur d’adaptations de jeux vidéo au cinéma au cours des années 2000 à la fois mal réputées mais aussi rentables malgré les gros budgets qui lui sont alloués, le film remportant plus de 100 millions de dollars, 3 fois la mise de départ. Tout était annoncé dans ce film qui fait tout de même partie de ses moins mauvais et qui est souvent considéré comme l’une des moins pires adaptations de jeu vidéo, pour ma part c’est un peu vrai mais ça n’en reste pas moins un film très moyen, en deçà de ce que la licence méritait.

damon8671
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le 3 juin 2022

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