Médiocre pour le 'fond' et le 'féminisme'

Comme les autres sortes de films d'exploitations, le rape-and-revenge n'a jamais connu le prestige. C'est un genre grossier satisfaisant les basses demandes des spectateurs. L'Ange de la Vengeance de Ferrara ou même I Spit On Your Grave pouvaient être admirés par des cinéphiles, ils n'avaient rien pour obtenir une reconnaissance des officiels. Dans les années 2020 ils pourront saisir leur chance d'être des chefs-d’œuvre méconnus ou incompris. À la faveur de critères socio-culturels, nullement cinématographiques. Le retour de l'inspecteur Harry aura probablement plus de difficultés à ressurgir, car servant un filon ouvertement réac et sécuritaire, tout en s'inscrivant dans le 'mainstream' supposé de son temps, en tout cas étant alors largement visible.


Revenge sort en février 2018, pendant la crucifixion de Weistein, venue renforcer le besoin de qualifier la moindre initiative ou donnée vaguement pro-femmes à du féminisme convaincu et acharné. La réalisatrice a évidemment joué ce tour (je ne l'accuse pas de calcul, c'est probablement une réaction automatique ou une adaptation 'positive' pour régler les questions éculées) et des imbéciles de la critique officielle (plutôt pour torchons mous, des serviles de manière indistincte) ont trouvé des qualités et une lucidité remarquable à ce qu'ils auraient sinon considéré comme une série B tapageuse et racoleuse (d'ailleurs les rigoureux amis des femmes et du sérieux en société ont flairé l'arnaque – en France). Le film a ces deux espèces de vertus. Il est amusant à regarder tant qu'on ne lui demande pas d'être pertinent ou d'activer l'intelligence 'de la tête'. S'il y a du féminisme chez lui, il est passif et non-militant – c'est donc le plus intéressant, pour arriver à ses fins (de manière élégante), sans refaire stupidement le monde par injonctions et prescriptions idéologiques.


La revanche ne s'effectue pas en allant frustrée scalper du mâle mais en élargissant le racolage. Le puritanisme même 'néo' ne passera pas par Revenge (c'est d'ailleurs ce qui le limitera malgré les efforts normatifs de sa promotion). Les scènes dénudées sont équitables (partiellement et souvent pour elle, totalement et ponctuellement avec lui). Le mélange soft érotico-gore culmine sur la fin avec un homme-objet au ventre déchiré. Le cynisme complet du film lui permet une certaine assise, sa fantaisie écarte définitivement toute noirceur (sans sombrer dans l'inconscience). Les comportements sont extrêmes, mais vraisemblables, les psychologies se tiennent, un calendrier est respecté – sans quoi le caractère loufoque de l'environnement aurait peut-être eu raison de nombreuses patiences. Les trois hommes sont d'une lâcheté ou d'une bêtise jubilatoires, le gros avec une apparence de chasseur belge atteint des sommets d'inconsistance, l'amant un beau score sur l'échelle de la psychopathie – si cette notion doit avoir du sens, il en est une illustration claire et normale. Jen l'américaine est victime de son faible instinct de conservation – elle pèche par naïveté, manque de réactivité, absence de cuirasse ou de principes. Elle consent à la culture, non du viol, mais de la femme objet, bonne pour se rincer l’œil – voire plus. Elle n'a pas su instrumentaliser cette réalité, y a été avec enthousiasme et sincérité.


Une part de banalité rattrape quand même Revenge, enfermé dans un programme (il est prévisible sur l'essentiel, sur le dernier survivant). C'est un défaut (ou 'angle mort') mais pas un échec, car la réalisatrice se soucie manifestement plus de l'intensité et de la mise en scène (tant mieux car alors la valeur dépend de soi et non des discours, qui permettent aux autres de faire ou refaire une œuvre). Non-sens tranquille et symbolisme déjanté pointent notamment en seconde partie – les apparitions de lézards seront difficiles à défendre, le cauchemar est très opportuniste. Au moins on ne s'ennuie pas comme face aux dernières tentatives arty de Cattet et Forzani (dont le premier jet [Amer] était si réussi). La poursuite des sensations fortes amène quelquefois le film à déborder. Le cas fantastique ou au moins magique de l'insecte est généralement responsable, sinon le pourrissement et la cicatrisation accélérés, ou les souffrances décalées, sont en cause. Les déluges de sang, la violence outrancière, douloureuse et 'comique' (surtout sur le violeur, jamais contre la fille) rappellent les exploits gore du bis 70s-80s type Street Trash ou Braindead (ou Evil Dead). Heureusement Revenge n'a pas leur lourdeur – il a la sienne, vouée à faire plaisir, ensuite à jouer avec de la patte humaine.


https://zogarok.wordpress.com/2018/06/04/revenge/

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le 4 juin 2018

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Zogarok

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