Critique : Rock Forever (par Cineshow)

Lorsque Adam Shankman fut attaché à l'adaptation cinématographique de Rock of Ages, l'un des plus fameux musical de Broadway, notre sang n'a fait qu'un tour. Le réalisateur du remake d'Hairspray, ancien chorégraphe et qui s'était essayé auparavant à quelques longs-métrages classiques sans succès résignait ainsi pour un pur produit enjoué, excitant d'autant nos papilles. Car on ne s'en cache guère, ici, on adore Hairspray, son coté outrancier, ses chansons, son ton doucement naïf et son interprétation surjouée. Autant de qualificatifs qui pourraient être des défauts dans la bouche d'autres personnes mais mettent en exergue un point essentiel : le manque de rationalité vis-à-vis de l'empathie que l'on peut avoir pour ce genre de productions. Avec Rock of Ages, Shankman se déplace à la fin des années 80 à Los Angeles où un club légendaire vit ses dernières heures suite à des problèmes financiers. Un lieu quasi unique pour l'action au sein duquel différents personnages vont être amenés à se rencontrer et évoluer avec en tête d'affiche un binôme d'inconnus en France mais surtout un Tom Cruise en roue libre totale.

Les haters crieront au film faussement rock. Ce n'est pas totalement erroné car il faut dire que la playlist aussi bonne soit-elle n'aurait pas forcément été que saluée dans un festival un peu hard. Malgré tout, il serait bien malvenu d'accuser le réalisateur ou l'équipe de ce choix, le film étant l'adaptation telle quelle du musical de broadway. Les chansons, ré-interprétées pour l'occasion par les acteurs répondent toute présentes pour nous offrir une bande-originale savoureuse et forcément culte (ce que son que des hits dedans). Encore plus que dans Hairspray, le film s'apparente à la mise en images de la comédie musicale et pas tellement à une adaptation pour le cinéma au sens littéral du terme. Pourquoi ?

Tout simplement parce qu'à la vue de Rock Forever (traduction française), on se rend assez vite compte que les dialogues ont été minimisés au profit des chansons et autres chorégraphies. De mon point de vue, ce n'est pas un mal, le réalisateur étant bien plus à l'aise dans ce domaine. C'est ainsi que les chansons s'enchaînent, permettant tour à tour à chacun des acteurs principaux ou seconds rôles jouissifs de pousser la chansonnette sur des monuments du rock et glam rock en passant des Scorpions à David Lee Roth, de Pat Benabar à Journey ou de Foreigner à Poison pour ce citer qu'eux. Malgré tout, il ne faudra pas s'attendre à sentir la sueur, la testostérone et le vomi puisque le film de Shankman se consomme davantage comme un gros bonbon sucré que comme un véritable hymne à la culture rock que l'on imagine sans mal bien éloignée de ce qui nous est donné à voir.

Car sur le plan de l'arc narratif ou du traitement scénaristique, il faudra reconnaitre que le film est assez pauvre. La trame linéaire et convenue issue du musical n'est jamais vraiment transcendée par la réalisation et se contente de faire évoluer les personnages dans le temps sans prendre le moindre risque. C'est ainsi que l'amourette entre nos deux apprentis stars ne révélera aucune surprise, jouant sur la corde mélo avec la délicatesse d'un poids lourd là où en revanche les seconds rôles développeront des personnages bien plus originaux et intéressants mais trop peu exploités. Ainsi le duo formé par Alex Balwin et Russel Band en tenanciers du fameux club demeure particulièrement drôle lorsque Catherine Zeta Jones en Christine Boutin locale, catholique extrême et anti-rock se laisse aller à des chorégraphies ridicules faisant de son personnage l'un des plus marquants du film. On n'oubliera pas non plus Paul Giamatti dans celui de l'impresario pourri prêt à tout pour faire du blé quitte à abandonner sa passion du rock pour se lancer dans le rap commercial, générant au passage quelques scènes très funs.

Mais celui qui survole l'ensemble, impressionne tout du long et vampirise chaque scène d'une prestation allumée et totalement adaptée au contexte, c'est bien sûr Tom Cruise, sidérant, extrêmement drôle et totalement inspiré dans son rôle de la star du rock Stacee Jaxx. Rien que pour lui, les moins fans de comédies musicales devraient y trouver leur compte tandis que les autres y verront une nouvelle référence du genre. Entre ivresse, bad trip, égo surdimensionné et lassitude de la condition de star, il livre une prestation qui fera date, presqu'autant que celle qu'il avait pu avoir dans Tonnerre sous les tropiques en producteur taré. Accompagné par son singe de compagnie « Heyman » qui légitime quelques running gags, il est le vrai moteur du film inhibant sans effort nos deux jeunes stars en devenir.

Souffrant de réels problèmes de construction et d'écriture, alignant un film fondamentalement pas très rock malgré le titre et la BO, proposant un mélodrame mielleux au cœur de l'intrigue, Rock Forever pourrait être un gloubiboulga indigeste. Pourtant, il compense très largement grâce à la multiplication des chansons et des chorégraphies qui occupent presque totalement les deux heures. Et surtout, il y a Tom Cruise, superstar outrancière jouant la superstar outrancière qui permet à cette adaptation de ne pas être qu'une comédie musicale parmi les autres. Ce Rock Forever, ce n'est clairement pas un grand film mais c'est quand même un très bon moment aux sonorités électriques. On en ressortira avec le sourire, le sentiment de s'être fait un peu avoir lorsque le titre s'appelle Rock Forever mais clairement heureux d'avoir assisté à un grand show visuel et musical que l'on imagine encore mieux sur les planches de Broadway.
mcrucq
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le 25 juin 2012

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Mathieu  CRUCQ

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