A force d'entendre que Rock'n Roll est une grosse prise de risque de la part de Guillaume Canet, on finirait presque par le croire alors qu'il est bien calculé, ce risque, avec un curseur qui ne dépasse pas la zone rouge et un plan marketing bien géré. S'il s'agissait d'un film expérimental, il ne sortirait certainement pas sur plus de 800 écrans en France. D'un autre côté, ce n'est pas désagréable, a priori, de retrouver un Canet proche de l'esprit de Mon idole, son premier essai et le plus concluant dans l'audace et la dérision. Il est vrai qu'il n'avait rien à perdre, à l'époque, ce qui, quoi qu'en dise, n'est plus le cas aujourd'hui, y compris après l'échec noir, et assez immérité de Blood Ties. L'astuce de l'entreprise est de nous plonger dans la vie d'un couple célèbre : Canet/Cotillard, dans une sorte de réalité augmentée. D'une part, c'est flatter le côté voyeur qui sommeille dans chacun des spectateurs, lecteurs de la presse People, ou pas ; d'autre part, c'est jouer avec une sorte de dystopie vertigineuse, ce que d'autres réalisateurs français ont fait avec un certain panache dans Grosse fatigue (Blanc) ou Ma femme est une actrice (Attal). La première partie de Rock'n Roll est censée s'attaquer à la dictature de la jeunesse, à l'image des stars et à la célébrité en général. Pas mal, mais somme tout convenu avec ses vedettes de passage (Halliday, Lellouche) et beaucoup de répétitions et lourdeurs. Finalement, on a déjà tout vu dans la bande-annonce et la première heure du film n'est que l'étirement façon chewing gum de scènes plus ou moins réussies qui ne sont pas de l'ordre du documentaire ni du traité de sociologie moderne mais bien du divertissement "à la française" avec ses bons et mauvais côtés. La deuxième partie est bien meilleure car elle ose enfin la distanciation et la quête de l'absurde, maîtrisée comme il se doit mais relativement jubilatoire car nous voici enfin en pleine fiction. Pour autant, il est hors de question de parler de prise de risques ou de flingage de carrière, n'exagérons rien. C'est un autre moi de Canet, bien hypothétique, qui est en première ligne, cerné par ses proches consternés. Ce qui est bien la preuve que le film ne s'aventure que prudemment en des zones hors limite : notre héros péteur de plomb est constamment vu à travers le regard abasourdi des autres avec le sous-entendu qui nous est adressé : regardez, ce mec est devenu dingue ! Ce qui n'exclut pas une certaine tendresse, de façon à mettre un peu de sirop dans le vitriol, dans l'évocation d'un égo boursouflé (dans tous les sens du terme). Divertissement du samedi soir avec ses transgressions maîtrisées, Rock'n Roll ne mérite pas l'opprobre. Ne serait-ce que par une découverte, celle de la vis comica de Marion Cotillard, tordante de bout en bout avec son accent québecois à couper à la scie circulaire et sa sérénité à toute épreuve. La seule chose que Canet met en danger dans le film ce pourrait être son couple. Mais, et on peut se tromper bien sûr, celui-ci semble en béton armé et capable de résister aux rumeurs, buzz et autres fakes. Ce n'est pas la seule chose à retenir de Rock'n Roll, évidemment, mais la midinette qui sommeille en chacun de nous est rassurée (hum).

Cinephile-doux
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le 16 févr. 2017

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