Je ne m'attendais pas à ça. A vrai dire, j'y allais en traînant les pieds. Je n'aime pas du tout du tout les comédies, en général. Et Johnny était crédité au générique, en prime. Ça s'annonçait donc plutôt mal. Eh bien ça m'apprendra à avoir des a priori, parce que tout ce qui est arrivé, c'est que j'ai passé un excellent moment de cinéma. Je savais que Canet n'était pas manchot, à la réalisation. J'avais trouvé Les petits mouchoirs formellement abouti, mais bon, c'était une comédie, j'avais pioncé la moitié du temps. Là, c'était encore une comédie, mais ça parlait de cinéma. De quoi maintenir mon intérêt éveillé. Ça commence sur un plateau et ça finit par mélanger réalité et fiction d'une façon tout à fait stimulante. Les comédiens jouent leur propre rôle, les techniciens et les producteurs aussi. Tout le reste est probablement pipeauté, mais de quelle manière, ça, ça tient en alerte. La vie de deux acteurs connus peut-elle ressembler à celle des deux protagonistes, qui cocoonent gentiment dans leur bel appartement n'ayant rien à voir avec la villa de Céline Dion en Floride, ni avec le château de Cate Blanchett en Angleterre ? Probablement pas, mais on s'en fiche, tout tient la route et déroute en même temps, et c'est plutôt agréable. Quand Canet entame sa vraie/fausse crise de la quarantaine, avec son air dépité et sa silhouette un peu avachie, on pense aux gens de notre entourage qui ont mis leur vie à l'envers aux premiers signes de déclin. C'est extrêmement bien observé, tout ça, les ennuis de santé qui commencent, les lunettes de vieux, la somatisation galopante, les angoisses, la routine... on rit de nous tous, la génération intermédiaire, c'est toujours plaisant, ça dégoupille un peu les menus drames qui nous assaillent. Et petit à petit, ça dérape. D'abord gentiment puis vraiment copieusement, et là, l'ébahissement nous guette... il y va fort, le Guillaume. Mais on le suit, entre sidérés et goguenards. Chirurgie esthétique, gonflette, délire mégalo et pof, en deux temps trois mouvements,


on verse dans la tragédie du naufrage des frères Bogdanoff


. Rien que ça. Mais on l'a vu arriver, cette fois, ça n'est plus juste le délire pathétique de gens tombés sur la tête à différentes reprises et avec des rebonds mal maîtrisés. Non, c'est l'histoire d'un type sympa dans un métier cruel et exaltant, qui n'est cruel qu'à cause de nous, spectateurs, et de nos clichés si tenaces sur le glamour, la séduction, ou tout autre sujet fondamental dont Yann Moix voudra bien parler... Et c'est vraiment très malin, ça, Monsieur Canet, oui, c'est diablement malin.

Créée

le 1 févr. 2019

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