Vous est-il déjà arrivé de chercher un remède à votre manque de motivation ? Si oui, peut-être êtes-vous clients de ces vidéos qui pullulent sur le Net dans lesquelles des types galbés comme des demi-dieux pratiquent toutes sortes d'activités douloureuses pendant qu'une voix pleine de conviction vous somme de reprendre votre vie en main dès aujourd'hui pour mieux conquérir le monde demain !


Ça fait son petit effet sur le moment, on ne peut pas dire le contraire. Mais le boost retombe bien vite. Et comme toutes ces vidéos se ressemblent peu ou prou, on finit anesthésiés par ces grandes phrases qui ne veulent plus rien dire, aphorismes désincarnés de la vie réelle et de son vertigineux ennui.


Ce Rocky, et sans doute l'ensemble de la saga, écrase littéralement toutes ces tentatives youtubesques. La raison majeure, c'est que le film d'Avildsen est proprement habité. Par son acteur principal, qui en est aussi le scénariste, et qui ose la confidence personnelle. Métaphore auto-biographique d'un inconnu qui ne perçait pas à Hollywood, presque réduit à l'état de vagabond, tandis que l'idée d'un boxeur minable mais grandiose, car humain, germait dans ses fantasmes artistiques.


Mais le film est aussi habité par son époque, par le retour à la dure réalité économique après le mirage des Trente Glorieuses. Les États-Unis viennent de perdre leur guerre, on se situe entre deux chocs pétroliers et le chômage atteint des proportions catastrophiques dans des villes comme Philadelphie.


Ce marasme à deux niveaux, personnel et économique, est bien présent dans Rocky, mais sans misérabilisme. Si l’Étalon Italien mène une vie minable, il ne s'en plaint pas vraiment, trimballant son épaisse silhouette de combats de boxe miteux en recouvrements de dette pitoyables. Il roule des épaules, le Noble Art pulsant sans cesse dans ses veines, mais sans orgueil, porté par une véritable sensibilité qui le rend immédiatement sympathique.


Malgré ce physique avantageux, beaucoup de spectateurs peuvent se sentir en phase avec ce héros un peu has-been, bourré de potentialités mais étrangement léthargique, spectateur de sa propre vie. Il faudra une rencontre amoureuse et, surtout, un virage proposé par le destin pour faire ressortir le Superman caché sous le déguisement de Clark Kent.


Rocky est un film étonnamment réaliste, malgré des préjugés tenaces. C'est l'histoire d'un homme qui se complait dans la médiocrité comme des milliards d'autres, mais qui se voit offrir une opportunité unique de montrer qui il est vraiment. Rocky nous exhorte à ne pas la laisser passer lorsqu'elle se présentera, malgré la peur, l’incertitude et l'inconfort occasionnés. Rocky est le remède à toutes les mauvaises excuses: si la tâche te parait impossible, accomplis-là tout de même, avec méthode et patience et, surtout, en y mettant toutes tes putains de tripes !


Le film raconte l'histoire d'une défaite annoncée, mais précédée de tant de panache et de conviction qu'elle en devient une singulière victoire, celle de l'Homme révélé à lui-même, accompli dans la lutte comme dans l'amour. Rocky fait partie de ces œuvres auxquelles on pense encore des années plus tard lorsqu'on fait sonner son réveil à cinq heures du matin pour aller courir, lors d'une accélération monstrueuse, d'une poussée désespérée d'haltère, de la mise en chantier d'un projet personnel, lorsqu’on se fout de nous, qu'on nous entrave, et qu'on continue d'y croire jusqu'au bout pour le simple plaisir d'exister pleinement quelques minutes, perdues dans d'innombrables heures tourmentées.


Épopée Rocky:


Rocky II: https://www.senscritique.com/film/Rocky_II_La_Revanche/critique/219165595


Rocky III: https://www.senscritique.com/film/Rocky_III_L_OEil_du_tigre/critique/116344628


Rocky IV: https://www.senscritique.com/film/Rocky_IV/critique/221980430


Rocky V: https://www.senscritique.com/film/Rocky_V/critique/222583800


Rocky Balboa: https://www.senscritique.com/film/Rocky_Balboa/critique/29214257

Amrit
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le 4 mai 2020

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