Ce qui frappe quand on traverse Roubaix, c’est l’imposante mairie et quelques bâtisses qui rappellent le glorieux passé d’une ville industrielle où certains faisaient fructifier le travail fourni par des ouvriers nombreux et sous payés.
La ville semble avoir gardé cette culture du nombre, conservant un niveau démographique disproportionné avec son offre d’emploi, et devenant tristement célèbre pour son taux de chômage et la délinquance qui va avec.
Aujourd’hui, on s’étonne de voir un sursaut culturel, le début d’un rai de lumière sous la porte qui donne envie de se projeter dans quelques décennies pour savoir si la tendance peut s’inverser.
Il est toujours plaisant de visiter d’anciens sites industriels dans leur renaissance culturelle. Les exemples ne manquent pas et on prend plaisir à découvrir des endroits laissés vacants par la disparition des entreprises offrant de merveilleux terrains de création artistique.
“Roubaix une lumière” pourrait être le titre d’un film ayant vocation à casser l’image maussade associée à la ville nordiste. C’est en attendre beaucoup du métrage qui se borne à explorer la ville dans la nuit, le froid, la misère et la violence.
La lumière ne viendra donc pas de la cité elle-même, mais de l’amour que lui porte le commissaire Daoud, sorte de surhomme capable de percevoir la beauté d’un paysage morne, d’oublier la misère des habitations, de comprendre et démêler le vrai du faux systématiquement. C’est le frère, le pote de l’oncle, le gars issu du cru mais qui a réussi à s’y faire une place. Les passages dans les habitations et sa proximité avec les occupants sont autant de moments de montrer qu’on ne fait pas de misérabilisme, et de mettre en avant le caractère providentiel de Daoud, super héros nordiste.
Le commissaire est campé par un Rochdy Zem magnétique, et on aimerait vraiment que ce personnage existe tout en pensant qu’on aurait voulu voir des affaires impossibles à résoudre, des choses sur lesquelles les enquêteurs buttent lamentablement. Bref tout semble s’arranger comme par magie à chaque fois qu’arrive le sauveur et c’est ce qui handicape le film et lui fait rater la marche du réalisme. Cette démarche est peut-être volontaire, mais elle tranche avec le ton donné à l’ensemble du long métrage.
A l’opposé de cette insolente facilité, la seconde partie du film s’attache à montrer combien il faut faire preuve de patience, d'ingéniosité, et d’une bonne connaissance des humains pour permettre de s’approcher de la vérité.
Le duo campé par Sara Forestier et Léa Seydoux est touchant, on oublie vite les actrices pour ne voir que leurs rôles.
Si le spectateur est déstabilisé de devoir abandonner le ton de la première partie du film pour se focaliser sur une seule affaire, il retrouve vite ses marques en suivant les hésitations des deux témoins et en ayant pour elles plus de compassion que de dégoût.
A la fois parce que les actrices sont brillantes mais aussi parce que la réalisation des différentes phases donne du dynamisme au récit, et que ce qui se joue sous nos yeux est dramatique: ce n’est pas seulement l’acte qui est glauque, c’est le contexte dans lequel il intervient et la façon dont on gère l’après, dont on se débat avec la vérité pour la remodeler ou simplement tenter de la revivre.
Si l’oeuvre n’est pas parfaite, c’est à la fois parce que son commissaire est trop irradié de bonté et d’abnégation pour sembler réel, et parce que les interrogatoires finissent par trainer en longueur (et les agents de police un peu trop vindicatifs).
On ressort de la salle accablé par la chaleur et la lumière qui viennent nous sortir de la torpeur dans laquelle nous avait plongé un récit glaçant dans tous les sens du terme.
Je ne suis pas certaine que ce film donne envie d’aller faire du tourisme dans le coin, ce qui serait un tort.