Le monde du film d’horreur/épouvante bouge de plus en plus ces dernières années, ne sachant pas vers où se diriger entre remakes à foison et déploiement de créatures en tout genre. Sans Un Bruit fait partie de cette catégorie de thrillers horrifiques que je range dans la case des films à concept, tout juste derrière Dans le Noir (voyez comme les titres se font déjà écho). Le principe est simple et semi-novateur, on choisit un élément technique de l’œuvre au hasard et on en fait la clé du scénario en tant qu’élément déclencheur de la peur. Le vrai problème de ces idées va souvent être une mise en scène et une continuité scénaristique s’appuyant bien trop sur le concept, jusqu’à en oublier le film, raison pour laquelle on se retrouve généralement sur une base de 90 minutes en moyenne prouvant l'incapacité à développer un univers.


L’arrivée in medias res dans le récit permet d’éluder définitivement la question du pourquoi et du comment qui auraient pu trouver résonnance dans la logique de développement qu’offre la science-fiction. Le monde totalement déserté et post-apocalyptique au bout de seulement 89 jours sonne déjà comme une question en suspens qui se prolonge par la vision des différents feux allumés dans le paysage, quelle raison y a-t-il pour ne pas créer de liens entre les différents groupes d’humains survivants ? Le cloisonnement de cette famille que le spectateur suit reste pour le moins incompréhensible et inexpliqué. Le fusil de Tchekhov apparaît tellement lourdement dès le commencement; on montre au spectateur toute la durée du film une faiblesse des créatures étant exploitée par le personnage de la jeune fille qui met l’entièreté des 1h30 à s’en rendre compte. De plus, si le personnage principal joué par le réalisateur lui-même montre à quelques moments le besoin de trouver un moyen de se défendre, il est difficile de le définir comme un fil rouge tant cette œuvre se disperse avec autant de superficialités. L’écriture des personnages n’arrangeant pas la situation, aucun background n’est développé en dehors d’une première séquence qui voudrait nous émouvoir après seulement quelques minutes à la rencontre des membres de cette famille.


Un autre point qu’il semble important de souligner est la fameuse présence de ces créatures, sans réelles raisons d’exister autre que d’entendre et de tuer. Dans chaque univers de science-fiction proprement écrit, une méchante bestiole est vouée à détruire voire tuer dans l’optique d’elle-même parvenir à ses fins. En outre, il est toujours nécessaire de donner à ce monstre un design affirmant le propos qu’il soulève. Par exemple, Alien de Ridley Scott fait apparaître une espèce extra-terrestre aux apparences phalliques ayant pour but de se reproduire coûte que coûte ; encore, Godzilla (de Gareth Edwards) qui sous sa carapace de lézard mutant n’a pour but que de gérer sa progéniture ; ou alors, Monstres et Compagnie, dans lequel il s’agit de faire peur aux enfant pour générer de l’énergie. Les mythes comme Dracula ou Je Suis une Légende (car ils se rapprochent) explicitent une situation dans laquelle la créature fantastique apparaît seule ou par horde dans l’objectif d’accomplir sa propre destinée; de là en sors toute la réflexion qui peut être faite autour de l’œuvre. Mais Sans Un Bruit échappe à cette attitude en supprimant n’importe quel questionnement scénaristique dès lors qu’il s’agit juste de suivre des personnages eux même sans objectifs.


A présent, le concept. Si celui-ci reste une idée originale (ce qui manque cruellement ces dernières années) il n’en est pas pour autant bien traité. On se doute qu’en l’absence majoritaire de son, le moindre bruit paraît considérable, le mixage de la bande sonore joue donc évidemment là-dessus, mais sans jamais trouver la bonne échelle qui parfois paraît trop peu quand d’autres fois semble immensifiée. La critique principale qui peut être faite à un scénario conceptuel comme celui-là est de ne pas savoir respecter ses propres règles en termes de logique diégétique. Le spectateur est mis face à des personnages ayant l’obligation de communiquer en langage des signes entre eux, évitant le moindre bruit pour ne pas attirer l’ouïe super développée des monstres capable d’entendre des grains de maïs bouger à des kilomètres. Comment justifier alors que respirer proche de ces créatures, courir (même sur du sable), poser des objets, ne soient pas des actions entraînant irrémédiablement une péripétie ?
Certes le film joue de ces quelques scènes marquantes, lorsque le père emmène son fils sous une cascade d’eau pour pouvoir lui parler et lui avouer ce qu’il a sur le cœur, ou bien l’horreur humaine qui agit quant à la naissance du bébé il faut l’enfermer dans une boite pour l’empêcher de crier à gorge déployée.


Mais cette réalisation cherche à trop faire dans des moments tire larmes au possible,


par exemple lorsque le père se sacrifie inutilement à la fin en criant plutôt qu’en balançant la hache qu’il a à la main plus loin de manière à attirer la bestiole ailleurs.


C’est en laissant au spectateur des idées d’autres issues aussi simplistes que l’univers diégétique perd de sa crédibilité. On pense aussi au cliffhanger tellement poussif et laissé là sans raison apparente si ce n’est que de déjà prévoir la suite en surfant sur le succès d’un scénario aussi plat.
Quel sera alors le prochain concept ? « Plus Personne, un film sans acteurs » ?

Louis2Sousa
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le 21 févr. 2019

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Louis De Sousa

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