Il est toujours enthousiasmant de voir émerger une nouvelle voix dans les genres qui nous sont chers et de ce point de vue là le réalisateur-scénariste-compositeur S.Craig Zahler avait frappé très fort avec Bone Tomahawk western Fordien contaminé par le cinéma bis de cannibales qui culminait dans une scène graphique filmée sans concessions parmi les plus traumatisante de ces dernières années. C’est peu dire que nous attendions son second opus, Brawl in Cell Block 99 dont il signe à nouveau scénario, mise en scène et musique (les morceaux soul qu’on y entend et qui sonnent comme des vieux classiques ont été écrits par lui! ) et qui sans atteindre l’impact de son oeuvre inaugurale est loin de nous décevoir.


Avec Brawl in Cell Block 99 S. Craig Zahler quitte l’ouest sauvage pour l’époque contemporaine et le western pour le film noir mâtiné de film de prison. Bradley Thomas (Vince Vaughn) colosse à l’accent du sud, au crane tatoué d’une croix passe une mauvaise journée, renvoyé de son travail de mécanicien, il découvre que son épouse Lauren ( Jennifer Carpenter) le trompe. Il se tourne alors vers un ancien ami trafiquant de drogue Gil (Marc Blucas) pour qui il accepte d’effectuer quelques « livraisons ».Quand un deal avec des trafiquants mexicains dégénère, refusant de dénoncer ses complices, il est condamné à une peine de prison . Il est incarcéré dans une prison relativement humaine jusqu’à la visite d’un étrange émissaire (le toujours inquiétant Udo Kier) qui lui montre une photo de son épouse enceinte, elle a été kidnappée et lui explique ce qu’il adviendra d’elle et de son enfant à naître si il ne se se fait par transférer dans une des prisons les plus dure du pays Red Leaf pour y assassiner un mystérieux détenu dans le « bloc 99 ».


On retrouve dans Brawl in Cell Block 99 le sens du dialogue ciselé, même si ils sont ici plus laconiques, le rythme délibérément mesuré qui culmine par un déchaînement de violence confinant à l’horreur mais S.Craig Zahler ne décalque pas pour autant sa première oeuvre. Si jusqu’à son dernier quart d’heure « bis » Bone Tomahawk restait un western d’essence classique, Brawl s’il devient plus « grindhouse » dans son dernier acte s’inscrit assez vite dans une veine de film noir tendance « pulp » assumée. Son personnage de colosse indestructible qui réprime sa brutalité , criminel malgré un sens de l’honneur et des valeurs profondément ancrées est plus proche des comics de Frank Miller que du réalisme de Michael Mann . Là où Bone Tomahawk suivait un ensemble de personnages Brawl in Cell Block 99 se concentre sur la descente aux enfers du seul Bradley présent dans quasiment toutes les scènes , même si Don Johnson fait une apparition mémorable en directeur de prison tortionnaire . Pour l’incarner Zahler exploite chez Vince Vaughn, longtemps cantonné dans des rôles comiques une dimension de violence contenue qu’on avait entrevue chez le comédien dans la deuxième saison de True Detective mais qu’il porte ici à son maximum et au delà. Vaughn, dont on réalise sous la caméra de Zahler la stature vraiment imposante, transmet les efforts immenses de son personnage pour contenir des émotions et une violence qu’on devine immenses derrière une apparence de calme et de décontraction. Cette retenue rend ses pulsions encore plus effectives quand elles se libèrent. Une scène de confrontation tendue avec son épouse infidèle, la meilleure du versant « dramatique » du film, en est la parfaite illustration.


Si S.Craig Zahler aime les situations extrêmes sa mise en scène, délibérément classique n’a rien de tape-à-l’œil . Ici pas de montage « cut » ou d’effets ostentatoires de caméras mais de longues séquences aux compositions soignées en plan large à la géographie claire où il laisse le temps aux scènes d’aller au bout de leurs intentions. Il retrouve Benji Bakshi, son directeur de la photo de Bone Tomahawk, qui troque les teintes plus texturées de l’Ouest pour des tons de plus en plus maladifs et délavés à mesure que Bardley s’enfonce dans le cauchemar. Zahler est adepte d’un rythme à combustion lente propre à une montée de la tension qui rend la violence jouissive quand elle se déchaîne. Car en la matière le réalisateur tient toujours ses promesses , pour sauver sa famille le personnage de Vaughn se fraie un chemin à travers une série de pugilats de plus en plus « sales » , la chorégraphie des combats de Brawl in Cell Block 99 n’a rien de gracieux, Vince Vaughn détruit littéralement ses adversaires de manière rapide et brutale. Outre le travail des cascadeurs et les maquillages spéciaux (encore une fois bien horribles) celui sur le son (comme dans Bone tomahawk dont oubliera jamais les bruitages de LA fameuse scene) est capital et contribue à l’impact de la violence. Ici les bruits sourds des coups de poings, celui des os qui se fracturent et des cranes qui se fracassent sur le béton amplifient le malaise. Mais Zahler ne perd jamais le sens de son récit dans la jubilation de ces scènes extrêmes et lui apporte une conclusion efficace, étonnamment émotionnelle et pleinement satisfaisante.


Conclusion : Exercice pulp mâtiné de cinéma d’exploitation Brawl in Cell Block 99 sans égaler son premier film confirme le talent et la voix unique de S.Craig Zahler : rythme à combustion lente, dialogues percutants et cette bonne vieille ultra violence. Excellent.

PatriceSteibel
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 15 oct. 2018

Critique lue 243 fois

1 j'aime

PatriceSteibel

Écrit par

Critique lue 243 fois

1

D'autres avis sur Section 99

Section 99
ycatlow
8

Hell Block 666

Vince Vaughn dans un film de bagarre en prison ? Allons-y, ça peut être marrant ! Eh bien non, ce n'est pas marrant. C'est sombre, sombre, et sombre. Avec régulièrement une pointe d'humour...

le 11 nov. 2017

14 j'aime

1

Section 99
Morrinson
6

Bradley, brutal et bestial

Après un coup d'éclat aussi marquant que Bone Tomahawk, on attendait S. Craig Zahler au tournant. Dans un premier temps, on aurait bien du mal à déterminer une continuité de style dans un tel...

le 21 janv. 2018

13 j'aime

Section 99
Sutter_Kane62
7

Je met les pieds où je veux et c'est souvent dans la gueule

Voilà un réalisateur qui commence à se faire une place toute particulière dans mon coeur de cinéphile. Après Bone Tomahawk, un western teinté d'horreur qu'il faut absolument découvrir si ce n'est pas...

le 5 janv. 2018

8 j'aime

4

Du même critique

Le Fondateur
PatriceSteibel
8

Ça s'est passé comme ça chez McDonald's

Parfois classicisme n’est pas un gros mot , Le Fondateur en est le parfait exemple. Le film , qui raconte l’histoire du fondateur de l’empire du fast food McDonalds, Ray Kroc interprété par Michael...

le 26 nov. 2016

58 j'aime

1

Star Wars - L'Ascension de Skywalker
PatriceSteibel
6

Critique de Star Wars - L'Ascension de Skywalker par PatriceSteibel

Depuis la dernière fois où J.J Abrams a pris les commandes d’un Star Wars il y a un grand trouble dans la Force. Gareth Edwards mis sous tutelle sur la fin du tournage de Rogue One, après une...

le 18 déc. 2019

41 j'aime

7

7 Psychopathes
PatriceSteibel
8

Une réjouissante réunion de dingues (et de grands acteurs)

Avec ce genre de comédie noire déjanté et un tel casting j'apprehendais un film ou le délire masquerait l'absence d'histoire et ou les acteurs cabotineraient en roue libre. Heureusement le...

le 5 déc. 2012

36 j'aime

9