L’histoire en marche arrière

Jusqu’à très récemment j’ignorais à peu près tout de la marche de Selma, et pour moi Martin Luther King était surtout un grand orateur un peu rêveur sur les bords (pour résumer).
J’ai beau avoir écouté une émission sur le sujet récemment, ça ne m’a pas empêchée de me sentir perdue durant les premières minutes du film: on est directement dans le sujet, avec des leaders du mouvement pour l’égalité qui se disputent, et à vrai dire on ne comprend pas tout de suite les enjeux pour eux (l’enjeu principal oui, les divergences pour arriver à leurs fins, pas forcément).


L’adaptation est assez longue, et la réalisation ne vient pas compenser: tout semble terne et sans vie pendant une bonne partie du film. D’autant qu’on a l’impression d’avancer en borgne, ne voyant qu’un côté de la barrière.


Et puis plus on entre dans le sujet, plus on se souvient de ce qu’on n’a pas vécu mais qu’on connait quand même: la ségrégation qui perdure, et les difficultés à faire valoir des droits pourtant accordés.
l’immersion dans la communauté black nous aide à comprendre les enjeux, et ce qui était un défaut au départ deviendrait presque un point fort du film.
Martin Luther King est forcément omniprésent, mais pas au points qu’on puisse croire à une biographie, on découvre surtout les tractations derrière un mouvement politique - même pacifique: le fait qu’il faille peser le pour et le contre, que derrière la belle unité d’une marche collective il y a autant d’avis que de paire de jambes, mais qu’être un leader c’est savoir prendre le dessus et faire entendre sa voix au dessus de celles des autres.


Comment rester insensible au combat qu’on nous donne à voir? Comment ne pas frémir devant cette marée humaine qui marche pour montrer qu’elle est unie, qu’elle veut se défendre et qu’elle ne fuira pas.
Marcher, c’est se tenir debout, c’est rester vivant, c’est défier.
Le sujet est prenant, et on sent qu’il prend aux tripes la réalisatrice.
Un peu trop peut-être.


Elle s’empêtre un peu dans son sujet, et nous offre un produit bien classique et fade dans sa majeure partie.
Heureusement, il reste les scènes de marche qui sont de grands moments - autant historiques que dans le film.
Sans savoir dire qui de l’Histoire ou de la réalisation a le mérite de transmettre cette charge émotionnelle, on ne peut que se taire et admirer le combat.


Deux petites heures qui viennent nous rappeler les combats que certains ont du mener pour l’égalité, deux heures qui viennent nous éclater en pleine face pour nous dire “et toi tu aurais fait quoi à leur place?”, deux heures pour se dire que l’histoire ne s’est pas écrite sans grand mouvement, et sans quelques personnes pour les initier et entretenir.
Deux heures d’un film classique sur un sujet qui fait mal, et rien que pour ça on ne peut regretter d'avoir fait le déplacement.

iori
7
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le 7 avr. 2015

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iori

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