L’ethos du dernier Ridley Scott va décontenancer le public. Avec Matt Damon en figure de proue, l’on imaginait le cinéaste de la virilité prêt à réitérer son modèle. Blade Runner, Robin des Bois, Gladiator et consorts érigent tous la lutte d’un même mâle monolithique. Ici, l’astronaute esseulé joue les singes savants, toujours optimiste et prêt à blaguer avec le vide astral. À la célébration de la bravoure se substituent les bienfaits de la botanique. Les paysages réalistes – conçus en dialogue étroit avec la NASA, nous assure-t-on – servent de théâtre à une promenade, admirablement rythmée mais jamais épique. Le montage ne s’attarde pas sur la solitude, préfère bondir de plusieurs sols (nom des jours martiens), vers une prochaine péripétie. 
En contrepied, le film enfouit ses airs de comédie. Un récit patriotique grandiloquent narre en parallèle le sauvetage du naufragé, pour lequel aucun contexte ne vient créer de l’empathie. N’a-t-il ni famille, ni ami ? Le spectateur l’ignore, mais constate que les Etats-Unis les remplacent fièrement. La nation dépense des millions, des ingénieurs travaillent trois mois d’arrache-pied, ses co-équipiers alourdissent le voyage de plusieurs années. Matt Damon, pendant ce temps, égaye ses randonnées en rover avec des tubes discos périmés. Pas déplaisant, le spectacle que propose cet OVNI bâtard laisse entrevoir un réalisateur en quête d’identité, probablement cahoté par l’échec de Prometheus.
Boris_Krywicki
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le 19 oct. 2015

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Boris Krywicki

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