Seul (mais bien accompagné) sur Mars

J'ai été très rapidement dérouté par The Martian et la direction qu'il prenait. En fait, dès le premier carton avec l'affichage de la légende dans le style cadran digital avec le bruitage ringard. Ce n'est pas grand chose, mais pour moi, c'est un premier écueil qui pourtant me semblait vite effacé par les premiers événements qui laissaient présager un film relativement brut et centré sur le personnage de Watney.

Mais on assiste au final à quelque chose de très didactique et très éclaté dans la narration, et terriblement pop dans l'ambiance, et pour un film censé être dédié à la vie solitaire d'un homme sur Mars, c'est une œuvre finalement très impersonnelle que Ridley Scott livre. Très rarement, on se sent à la place de Watney. On n'assiste pas du tout à l'histoire de Robinson Crusoé sur Mars, puisqu'il n'y pas de réel développement psychologique du personnage. On se limite à quelques incursions plates du type "Je ne peux pas mourir sur Mars" ou "Je vais mourir, c'est sûr", etc. mais jamais rien qui montre comment un individu vit seul - et pas seulement en faisant pousser des patates - pendant plusieurs mois. Surtout, le film fait le choix d'un humour qui vient vernir tout le récit de manière maladroite. Alors qu'on était en droit d'attendre une œuvre sérieuse, Ridley Scott choisit de dédramatiser la chose et l'on se croit un peu dans "Watney fait des vidéos", à coup de musiques disco, de petites blagues et de f-words adressés à la direction, etc. Le choix de faire des allers-retours sur Terre dans la narration porte un coup d'arrêt au déroulement de l'histoire et ne rend plus réellement le personnage de Matt Damon isolé. Montrer la Terre n'est en soi pas une mauvaise idée, mais cela aurait pu être bienvenu si ça avait servi à illustrer la vie sur Terre sans Watney, contribuant à l'isoler encore plus dans l'espace. Mais le choix de l'absence de psychologie et d'immersion dans la vie du personnage ont rendu cette possibilité caduque. Au rayon des ratés, on peut aussi regretter quelques personnages beaucoup trop stéréotypés, comme le jeune chercheur génial et inconventionnel qui sort un "eurêka" issu de ce qui m'aurait pourtant paru être une piste d'étude obligée.

Brièvement, la comparaison avec Gravity et Interstellar est inévitable et se révèle au désavantage de The Martian. De Gravity, il n'a finalement pas le combat solitaire d'un homme contre lui-même et son environnement, et d'Interstellar, il n'a pas l'impact visuel et émotionnel.

Malgré tout, The Martian se révèle évidemment plaisant à regarder, Ridley Scott prouvant qu'il sait encore maîtriser sa réalisation et plus particulièrement le film spatial, en dépit de la platitude et de la déception du scénario.