Une romance gay à la campagne parfois déchirante mais un peu trop austère et languissante.

Ce long-métrage n’est pas d’un abord facile. Il prend son temps, il est d’apparence austère et montre une histoire d’amour entre hommes aux ébats parfois très crus. Mais ce n’est pas le seul sujet du film puisqu’il entend ausculter aussi le monde agricole d’aujourd’hui en Angleterre. Pas les grandes exploitations modernisées mais plutôt les petites structures, les fermes familiales qui tentent de subsister face au monstre que peut représenter le soi-disant progrès (économique ou social). Un univers moribond comme partout ailleurs en Europe où il devient impossible pour une petite exploitation d’être viable comme le montre très bien un film qui sonne quelque peu le glas d’un certain monde agricole. Le constat est bien rendu mais sa représentation se heurte à trop de scènes répétitives et peu divertissantes. Récemment le francophone « Petit Paysan » était bien plus emballant sur un sujet voisin.


Francis Lee s’attarde peut-être plus que de raison sur le travail de la terre, ce qui occasionne beaucoup trop de longueurs et un rythme parfois languissant. « Seule la terre » prend son temps pour démarrer et n’hésite pas à s’habiller d’une esthétique sèche, âpre, à la limite de l’ascétisme formel. On retrouve cet aspect froid dans la relation que noue ce jeune paysan avec un ouvrier venu d’Europe de l’Est pour aider à la ferme. Une tonalité permise par le sujet et la nature de leur relation, en tout cas au début du film. Quand leurs sentiments deviennent plus forts, cette œuvre a beaucoup de mal à développer la chaleur nécessaire pour nous emporter dans le tourbillon de leur passion. Quand, enfin, cela arrive lors du très beau derniers tiers, on regrette que cela n’ait pas eu lieu plus tôt. Leur histoire d’amour devient plus prenante et la relation du jeune homme avec son père malade prend une tournure très émouvante. Une émotion jamais forcée mais juste qui aboutit à un final déchirant qui vulgarise l’amour gay de belle manière.


Si le côté rural et la relation entre deux hommes démontre des similitudes avec l’iconique « Secret de Brokeback Mountain », la ressemblance s’arrête là. Autre époque, autre problématique (l’acceptation de son homosexualité pour ce dernier) et autre esthétique (moins poétique chez les yankees et plus naturaliste ici) différencient les deux long-métrages. Cela n’empêche pas cet aspect plus réaliste dans la façon de filmer de rendre « Seule la terre » joli à regarder. Le travail de la terre et les plans sur la campagne du Yorkshire sont épurés mais souvent sublimes. Quant à la psychologie des personnages, elle est basée sur les non-dits; il y a très peu voire pas assez de dialogues, mais n’en demeure pas moins fouillée. On est donc face à une œuvre aux contours pas toujours agréables pour le spectateur mais qui a du cœur, avec juste de la difficulté à le montrer. Mais les deux sujets traités le sont avec une ferveur et une sincérité profonde.

JorikVesperhaven
6

Créée

le 7 déc. 2017

Critique lue 510 fois

2 j'aime

Rémy Fiers

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