L'auteur nous livre ici une oeuvre ouverte, avec différents niveaux de lecture. Après l'avoir visionné, je n'y avais vu que l'histoire d'un métrosexuel souffrant d'addiction au porno sur internet, aux prises avec sa sœur paumée. Il s'ensuivait une série de petits rebondissements sans grand intérêt (pour tout dire j'avais noté par la note médiocre de 4) -aussitôt vu, aussitôt oublié-. Mais le film ne sortant pas de mon esprit, mon analyse est maintenant tout autre, et il m'apparaît comme un regard sur la société de consommation, le tout matériel, la crise de sens.
Nous arrivons maintenant au stade terminal du rêve américain, mis en lumière par l'interprétation de "New York, New York" par la sœur du personnage principal. Si l'on regarde la version des années 70 de Liza Minelli, nous voyons le contraste d'une époque où l'on était plein d'espoir, où l'on rêvait d'être quelqu'un dans un nouveau monde. Il y avait de l'enthousiasme, de l'entrain et tout semblait possible. La même chanson et les mêmes mots sont repris, mais le rythme est très lent, hésitant, finissant sur un sanglot et provoquant d'ailleurs les larmes du héros. Nous ne sommes plus dans le même instant du rêve.
Cet homme déraciné n'est plus qu'un instrument de la marchandisation, il a tout abandonné, les idéologies ont disparu, il n'y a plus de spiritualité, coupé de toute protection, isolé, il est soumis au Moloch du management. Le seul lien qu'il conserve est celui de la famille, qui dans ce monde moderne n'existe quasiment plus, il rejette sa sœur comme il repousse toute intimité n'ayant rien à partager, rien à offrir si ce n'est du vide et l'aveu de son impuissance. D'ailleurs, il est incapable de la protéger de la prédation de son supérieur hiérarchique, bien que la sachant fragile et suicidaire, il ne la défend pas. C'est un esclave soumis à ses passions, soumis à un système qui le régi jusque dans son univers mental et qu'il ne songe même plus à remettre en cause. Atomisé/Dissous.
L'ouverture et la fermeture nous présente le personnage principal dans le métro fasciné par une superbe rousse qui l'aguiche. J'y vois cette fameuse femme en rouge (dont il est fait référence dans Matrix) qui représente symboliquement la fausse promesse d'une vie plus excitante, la possibilité d'une vie meilleure par la satisfaction de nos désirs (sexe, argent, pouvoir et gloire). Nous distrayant, nous égarant de la vie réelle, mettant l'Esprit au service de la Matière et non l'inverse.


Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne moi la main, viens par ici
Baudelaire

Pokmika
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le 22 mai 2017

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Pokmika

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