Sex addict and soft piano - Sex in the City

Un an ou deux avant Don Jon, Shame faisait déjà, brillamment, un sujet de film sur l'addiction au sexe. Mais la comparaison s'arrête bel et bien au sujet, seul point commun entre les deux.
Shame est d'abord une claque esthétique, esthétique inattendue pour traiter de ce sujet. Tout est délicat, subtil, soigné, un enchaînement de longs plans fixes et plans séquences avec une photographie à en pleurer (de joie), un montage sobre et discret, sans effet de style, le tout complété par une bande son en dentelle. En effet, qu'il s'agisse de l'ambiance sonore du film, toujours dans la retenue, dans l'économie de sons éloquents (même et surtout pendant les scènes charnelles), que de l'absence quasi totale de dialogues, l'audio, qui n'en n'est pas moins soigné, passe tout de même après le visuel. Le tout ourlé par une bande originale on ne peut plus classy, (Bach par Glenn Gould, quoi de plus classe ? Trop classe même ? Oui, un peu parfois, mais c'est tellement maîtrisé que jamais ça ne tombe dans le kitsch, l'overdose, voire le kitsch par overdose), c'est le petit Jésus en culotte de velours (sur les chevilles, et qui pratique l'onanisme dans des draps de satin). La même musique est d'ailleurs utilisée d'ailleurs aussi bien pour les scènes de bouffe dans les restos huppés New-yorkais que les scènes de sexe les plus crues, et ça fonctionne toujours à merveille. Avec une mention spéciale pour la scène -délicieusement longue - où Carey Mulligan interprète une version jazz mélancolique de New York, New York, en plan fixe rapproché sur son visage tout du long, et réussit à arracher quelques larmes à l'insensible Brandon, et au spectateur suspendu à ses lèvres, à l'occasion.

Un long enchaînement de plans fixes et plans séquences, disais-je, où vraiment, rien n'est coupé. A contrario de son personnage principal qui ne baise (car il s'agit bien de baise) qu'à toute vitesse, à couilles rabattues, le film prend son temps, n'éclipse pas ces moments "inutiles", que nous n'avons pas (plus ?) l'habitude de voir. Brandon attends l'ascenseur ? On attend l'ascenseur avec Brandon. Il attend le métro ? Pareil. Très peu d'ellipse, très peu de hors champ, super immersif, pas chiant pour un sou. Pourtant biberonnée aux montages épileptiques type Tueurs Nés, et moins réceptive aux films plus "lents", jamais je ne me suis ennuyée devant Shame.

Bon, on a l'esthétique plus smooth tu meurs, un directeur de la photo monstrueux, un homme que j'imagine très posé, discret et contemplateur à la réal, que manque-t-il pour compléter le casting de rêve ? Des acteurs de rêve. Bingo. Michael Fassbender campe Brandon, la totale du cadre New-yorkais ; quadragénaire qui fait son jogging sans transpirer, building en acier, grandes vitres, appart blanc, cuisine chromée et brushing parfait, la seule chose qui différencie Brandon de Patrick Bateman est l'absence de hache (et de carte de visite).
Brandon et, comme une ombre, son omniprésente solitude moribonde qu'il traîne pendant tout le film comme un deuxième rôle principal.
A cela, la décidément magnifique Carey Mulligan, lui oppose un Désespoir féroce et bien vivant, qu'elle impose dans sa vie en qualité de sœur cadette.
Brandon, Sissy, Solitude, Désespoir. Deux acteurs, quatre personnages principaux, et...c'est tout.
Sexe dans ce film, n'est qu'un second couteau, un petit rôle. Un petit rôle sublimé par une lumière sculpturale, tantôt aveuglante, tantôt tamisée et très douce, des êtres humains montrés dans leur intégralité (c'est rarement suggestif), mais jamais de façon vulgaire, tendance porno soft chic, mais tout de même, un petit rôle.
Et c'est ça, le génie de ce film. Il réussit à parler d'addiction au sexe sans en faire des tonnes, sans entrer dans le porno de bas étage, le choc, le racoleur. Plutôt que de tourner ça en glauque, ou même grossièrement comique et vaguement ridicule (suivez mon regard, à l'autre bout y'a Joseph Gordon Levitt), Steve McQueen et Abi Morgan (scénar) préfèrent s'attarder sur le côté addiction, avec tout ce que cela implique humainement en terme de traversée du désert, et pour ça, Chapeau l'Artiste.
Thilde_Ska
7
Écrit par

Créée

le 13 janv. 2014

Modifiée

le 13 janv. 2014

Critique lue 306 fois

Thilde Ska

Écrit par

Critique lue 306 fois

D'autres avis sur Shame

Shame
Chaiev
3

Branle bas de combat

Donc après le trip ces pauvres flics (Polisse), ces pauvres handicapés (Intouchables), ces pauvres danseuses (Black Swan), ces pauvres bègues ( Le Discours d'un roi), ces pauvres dépressifs...

le 13 déc. 2011

192 j'aime

128

Shame
Velvetman
9

American psycho

Au coin de l’une des ruelles d’un New York translucide, le précipice est devant ses yeux. Ce quotidien morne et insensible, sonne les carillons aux heures attendues. Puis vint le coup de téléphone,...

le 19 févr. 2015

143 j'aime

9

Shame
DjeeVanCleef
10

New York New York

Ne jamais baisser les yeux. Plongée profonde dans les entrailles de la bête s'oubliant au tourbillon intense des plus bas instincts. Métronome pulsionnel, celui du bas-ventre, quotidien d'un fantôme,...

le 9 juin 2013

141 j'aime

57

Du même critique

La Reine des Neiges
Thilde_Ska
1

Arnaquée, dégoutée.

Dans la vie, il y a un truc que j'aime et un truc que je déteste. J'aime les films d'animations Disney et je déteste les gens qui les raillent avec mépris en disant "ce n'est qu'une grande pub pour...

le 5 août 2014

3 j'aime

2

Prince of Texas
Thilde_Ska
6

Emile Hirsch n'aime pas la nature.

Ce n'est pas aisé je pense de filmer correctement la nature. Il y a le paramètre "Oh, ce rayon de soleil à travers le feuilles mortes, c'est très joli mais comment retranscrire ça à l'écran tel que...

le 23 déc. 2013

2 j'aime

God Bless America
Thilde_Ska
2

Critique de God Bless America par Thilde Ska

Vanté et présenté comme une grosse poilade en plus d'une critique pertinente sur la société des médias de masses, blablabla, quelle déception ! Censé être un exutoire pour les créateurs comme pour...

le 18 oct. 2013

2 j'aime