Depuis bien longtemps je me suis trouvé un attrait naturel pour les thrillers psychologiques, les histoires de bipolarité, de psychoses et de maladies mentales. Des histoires où notre héros est torturé par son esprit, une souffrance pure. Fan du classique Psychose, du pessimiste Vol au-dessus d’un nid de coucou et de l’indémodable Shining, c’est pour la deuxième fois que je me lance dans ce Shutter Island, adaptation du roman du même nom de Dennis Lehane. Et merde alors… je suis passé complétement à côté la première fois, mais là je peux dire que je suis tombé sur le cul. Pour résumé, nous sommes dans l’après-guerre, une époque encore trop peu savante pour expérimenter des techniques élaborées dans la guérison des patients atteints de troubles psychologiques. Notre héros Teddy Daniels (Léonardo DiCaprio) et son coéquipier Chuck Aule (Mark Ruffalo, émouvant) sont appelés à intervenir sur une île qui s’avère être un hôpital psychiatrique dans le but de retrouver une patiente qui s’est échappée miraculeusement. De là commence crescendo une enquête policière oscillant entre thriller et film d’épouvante dans une ambiance oppressante.

L’ambiance est digne de certains films noirs américains des années 1950 et Shutter Island peut-être d’ailleurs considéré comme faisant partie de la lignée des films néo-noirs, avec les Taxi Driver, Blue Velvet, Miller’s Crossing, Seven et Mulholland Drive pour ne citer que ces derniers. Scorsese adapte le roman de D.Lehane à la perfection, tout en dérives scénaristiques complexes et en flashbacks d’une grande utilité, à l’exception d’une fin quelque peu différente de l’originale. Cependant l’auteur approuvera. C’est une course poursuite infernale dans le cerveau de notre héros en quête de vérité qui nous prend en haleine du début à la fin. La seule chose qui est à redire c’est le décor. En effet, les images de synthèse sont parfois dérangeantes avec des couleurs aux teintes poussives et irréelles. C’est à l’appréciation de chacun. L’interprétation des acteurs et la réalisation nous trompent tout au long du film en nous laissant quelques indices qui viennent interroger notre suspicion : difficulté de Chuck Aule pour retirer son révolver à l’entrée de l’île, vigilance du personnel de l’hôpital, méconnaissance du patient n°67, discussion avec le prisonnier du bâtiment C etc… La musique quant à elle est parfaite pour faire régner d’avantage l’atmosphère pesante sur l’île.

SPOILER pour la suite.
Tout autant d’indices qui nous poussent à mener l’enquête mais ceux-ci se contredisent avec les rêves de DiCaprio (incendie de son appartement et mort de sa femme) et ses hallucinations. La scène finale est révélatrice d’une vérité profonde et enfouie dans les méandres cérébraux de notre Marshall. Il s’avère que le travail des médecins spécialistes des maladies mentales dans les années 1950 était radical : lobotomie ou traitements médicamenteux intensifs. Shutter Island est l’histoire d’une expérience valeureuse d’un psy et d’un docteur. L’expérience était en fait de reconstituer l’arrivée sur l’île du Marshall il y a deux ans, de lui faire croire à une conspiration puante dans laquelle les patients les plus dangereux se font arracher une partie du cerveau dans le seul but de lui faire avouer l’assassinat de sa femme qui avait noyé ses trois enfants il y a deux ans. Le personnage s’était enfermé dans un délire psychotique, il s’était en fait inventé une autre vie, un autre prénom qui était une anagramme de son vrai nom. Un refuge, une couverture pour éviter de penser à la réalité. Avant tout, cette adaptation cinématographique reste un casse-tête mental, un puzzle, un labyrinthe dont il nous faut extirper le vrai du faux.

Shutter Island est l’histoire d’une révolution dans l’art de traiter les malades, considérés dès lors comme des patients et non des prisonniers. Malheureusement, une fois le patient guéri, il fait croire à une rechute pour pouvoir, je cite : « mourir en homme de bien plutôt que vivre en monstre ». Dans le roman original, le patient rechute à la fin du livre après avoir pris conscience de ses actes. L’idée de vivre avec le meurtre de sa femme sur la conscience le rongeait trop, la lobotomie était pour lui une solution de trouver la paix. Ce film est l’histoire de nombreuses choses : la destruction de 5 vies entremêlées, le traitement des patients dans les hôpitaux psychiatriques, l’enfer de la schizophrénie, la mince frontière entre la réalité et la folie etc… Enfin ce qu’il y a de bien, c’est que Scorsese nous laisse avoir une libre interprétation des indices laissés par-ci et par-là. Comme disait Charlie Chaplin : « Ce n'est pas la réalité qui compte dans un film, mais ce que l'imagination peut en faire ».

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le 9 févr. 2015

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The Passenger

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