A sa sortie, j'avais râlé contre deux aspects toujours présents à la relecture, mais moins gênants maintenant que l'âge m'a adoucie (et que j'ai vu un million de navets depuis, qui permettent de relativiser les demi-réussites de certains bons films) : la pénible pénombre de tout ce qui se passe à Skyfall, mais bon, l'Ecosse n'est pas à proprement parler un pays d'héliothérapie, et le personnage extravagant joué par Javier Bardem, très friand de postiches spectaculaires. On se souvient de No country for old men, qui avait déjà défrayé la chronique dans les salons de coiffure. Une fois prévenus contre ces menus désagréments, on peu tout à loisir se laisser emporter par l'habituel maelstrom bondien : paysages de rêve, nanas spectaculairement décoratives mais parfaitement dispensables, courses-poursuites de plus en plus alambiquées (à moto sur les toits, cette fois...), coups de bluff éprouvants pour les nerfs, smokings et robes de soirée tout prêts pour la soirée des Oscar, autant dire que ce Bond-là respecte lui aussi l'imposant cahier des charges. Avec un petit bonus, cette fois : 007 a un coup de pompe. Et quand la nécessité le pousse à revenir dans la course, il est désormais obsolète. On l'avait déjà vu contraint à se refaire une santé dans Never say never again, et la problématique n'est pas nouvelle, mais quand c'est Daniel Craig qu'on tente de mettre au rebut, ça émeut forcément davantage. Parce qu'il campe un personnage d'airain, inoxydable, glorieusement increvable, et que, comme lui, on est parfois au sommet de son art quand la jeune génération, dépourvue de certaines qualités qu'on juge indispensables, pousse au portillon, avec un succès immérité à la clé... Non, non, je ne parle pas de moi; mon plombier, mon médecin, mon ancienne coiffeuse vivent la même chose, alors, forcément, ça a de l'écho, ces histoires-là, après un certain âge... Même si deux films auparavant, le même agent secret, tout aussi glorieusement en forme, attaquait sa toute première mission de double zéro. Ça ne choque que quand on voit les 3 d'affilée pour les vacances de Noël. Tout ça pour dire que j'ai passé un excellent moment de plus avec ce Skyfall tout à fait digne de rentrer dans la liste des bon(d)s crus. Et puis il y a encore Judi Dench, et ça, ça vaut son pesant d'or. La fin apothéotique et hautement invraisemblable du film, aux confins de l’Écosse, n'enlève rien au panache de ce personnage que la trilogie évoquée a pris grand soin d'étoffer, et avec quelle réussite !
Dommage que le syndrome Game of Thrones ait frappé cet atout-là, dont le tango mortel avec Bond donnait un piquant incomparable à des intrigues au demeurant assez classiques.