Bon allez…
On va arrêter un instant de rester le nez dans le guidon, on va relever un peu la tête et prendre un petit peu de hauteur afin de regarder ce « Solo » pour ce qu’il est vraiment…


Est-il un film qui entend repousser plus loin notre exploration de l’univers « Star Wars » ?
Est-il une démarche originale qui projette de prendre à contre-pied une saga installée sur son rail ?
Est-il seulement une œuvre qui aspire à apporter quelque-chose au cinéma et à ses spectateurs ?


Encore une fois, prenons bien le temps de regarder avant de répondre. Et qu’on ose me dire que ce « Solo » n’est pas autre chose qu’une simple extension forcée de « Star Wars ».
Forcée parce que personne ne l’attendait.
Forcée parce que personne ne la voulait.
Forcée parce qu’elle ne s’imposait pas.
Pire : elle est forcée parce qu’elle n’avait aucun lieu d’être…


Déjà le précédent film estampé « A Star Wars Story » entendait coloniser un espace narratif de la saga que beaucoup jugeaient inexploitable. Et même si Gareth Edwards avait su éviter de faire de « Rogue One » un naufrage, il n’était pourtant pas parvenu à réaliser l’irréalisable. Quand tu entends faire du jardinage dans un interstice de deux mètres de large situé entre deux murs de briques haut de vingt étages, il ne faut pas s’étonner si on n’arrive pas à y faire pousser tout un jardin des plantes.


Là, pour « Solo », on est carrément au-delà de ça.
Là on n’est plus entre deux murs de la saga, on est carrément dans la brique.
Han Solo est un personnage constitutif de la saga. Il a été pensé et conçu pour avoir des zones d’ombres ; pour maintenir une ambiguïté de rebelle. C’est un personnage auquel il ne faut pas toucher sans risquer de faire s’écrouler tout le mur. Eh bah c’est pourtant exactement ce que fait « Solo ».


Non seulement il se risque à vouloir faire pousser quelque-chose dans une brique, quitte à la rendre friable, mais en plus il n’a nulle autre prétention que d’y faire pousser du chiendent.
Parce que oui, en plus, il faut qu’on nous fasse ça mal.
Pas avec de l’esprit créatif. Pas avec de la prise de risque.Non.
Juste du fan-service bien gras, histoire d’expurger jusqu’à la moelle une saga qu’on estime pouvoir malmener sous prétexte qu’on l’a achetée.


Alors oui, même si personne n’en veut, donnons à Han Solo un passé !
Une bonne vieille politique de l’offre bien agressive !
Les gens achèteront ce qu’on leur proposera, ni plus ni moins !
Ainsi, au lieu de créer de nouvelles richesses, on va exploiter les anciennes jusqu’à épuisement. Han Solo est l’un des personnages les plus populaires ? Parfait ! Alors désossons-le ! Prenons tout ce qu’il y a dessus !
Son pote Chewbacca !
Son rival Lando Calrissian !
Son Faucon Millénium !
Son flingue !
Sa pose !
La moindre de ses anecdotes !
Jusqu’à son nom !


Prenons tout et faisons-en un produit de synthèse avec ça !
Pour chaque chose il faut une explication ! Une illustration !
Il faut combler un vide qui n’existe pas, quitte à forcer pour obtenir l’interstice souhaité !
Et si cela ne suffit pas pour tenir deux heures, alors on délayera avec tous des poncifs possibles et imaginables ! Des enjeux amoureux partout même là où tu ne peux pas en mettre !


(Comme entre Lando et son droïde ! Rien que ça !)


Des scènes d’actions sans réel objectif (…quand il ne s’agit d’ailleurs pas d’un objectif amoureux ! Décidément !) Des opposants sortis de nulle part et sans épaisseur. Et des petits détails bienséants censés montrer ostensiblement que Disney et « Star Wars » ne sont plus les institutions sexistes, racistes et homophobes d’hier !


Tout cela donne un patchwork de rien, brodé avec du rien, et qui aboutit à des scènes interminables de négociations entre brigands, autour d’un verre, d’une partie de cartes, ou bien d’un bon vieux feu de bois.


Tout sonne creux. Tout sonne faux. Rien n’a de vie.
Je trouve ça même incroyablement dingue qu’avec un Alden Ehrenreich et un Woody Harrelson on puisse arriver à un résultat aussi plat !
(Bon par contre, pas de surprise côté Emilia Clarke : plus fade que ça tu meurs… Enfin du Emilia Clarke quoi…)


Et tout ça la faute à un cahier des charges Disney visiblement des plus étouffants.
Tous les secteurs de production sont tellement anesthésiés par ces standards lénifiants qu’on se retrouve réduit à un banal « Star Tour » du pauvre, où de faux acteurs font de fausses cabrioles sur de faux trains afin d’espérer susciter l’émotion.
Pour réveiller tout ça, la musique s’égosille comme elle peut dans une cacophonie irritante, usant de toutes ses cordes pour essayer de susciter l’émotion.
Mais rien n’y fait. Les minutes passent dans la platitude la plus extrême, sans qu’à aucun moment le film ne soit parvenu à me faire croire ne serait-ce qu’une seule seconde que la conclusion allait être différente que celle de l’autre « Star Wars Story ».


Bah oui parce que – comme son prédécesseur « Rogue One » - difficile de faire survivre tous ces personnages secondaires qu’on a créé pour l’occasion ! Il faut donc qu’ils disparaissent tous pour que le film puisse se connecter au reste de la saga ! Et d’ailleurs – ô surprise – c’est exactement ce qui se passe !


...
Du coup – il n’y a pas à dire – tous les éléments et toutes les conditions étaient vraiment réunis pour tuer toute forme de plaisir dans l’œuf. Tu m’étonnes que beaucoup aient décliné ou abandonné ce navire à la cale moisie !


Et c’est sûr qu’avec Ron Howard aux commandes, il ne fallait pas s’attendre à ce que – par exemple – la découverte du Faucon Millénium par Han Solo n’aille pas au-delà d’une simple exposition des pièces mythiques et autres fonctionnalités avec Han qui observe et qui fait « Ouah ! » …Parce que oui, on en est réduit à ça !


Donc non, arrêtons de regarder ces films le nez dans le guidon et arrêtons aussi d’en parler comme si on pouvait pardonner tout cela pour un joli train qui pivote et quelques autres jolis effets techniques.
Non. Ce film c’est juste une honte.
Il n’existe que pour siphonner « Star Wars ».
Donc puisqu’il ne sait vivre que par la saga de Lucas, qu’il soit jugé à son regard ! Et osons donc nous poser cette question fatidique : l’univers « Star Wars » est-il plus riche et plus cohérent avec l’existence ce film ?
Pour moi la réponse est plus qu’évidente.
C’est non.


Pire, je trouve même que ça va plus loin que ça.
Je trouve que ce film fragilise « Star Wars ».
Donc non, « Solo » n’est pas seulement un film oubliable. C’est un film lamentable. C’est un film condamnable. C’est un film ostracisable.


Ce film est l’incarnation de ce qui est en train de tuer le cinéma à grand spectacle.
Donc oui, pour moi, « Solo », c’est zéro.

Créée

le 2 juin 2018

Critique lue 568 fois

10 j'aime

19 commentaires

Critique lue 568 fois

10
19

D'autres avis sur Solo - A Star Wars Story

Solo - A Star Wars Story
Walter-Mouse
5

Qui a éteint la lumière?

Légère entorse à la règle. Kathleen Kennedy rompt temporairement sa promesse de ne lancer des films indépendants dérivés de l'univers Star Wars qu'à partir de sujets originaux pour consacrer son...

le 23 mai 2018

127 j'aime

28

Solo - A Star Wars Story
Grimault_
4

Quand l'insipide devient amer.

Solo : A Star Wars Story est enfin sorti, après un tournage chaotique et une campagne marketing douteuse, à l’image d’un projet dès son annonce indésirable que l’on était en droit de redouter. Si le...

le 27 mai 2018

112 j'aime

34

Solo - A Star Wars Story
Tonto
8

Mémoires d'un Han

Dans les méandres de la planète Corellia, où la population a été asservie aux ordres de l’Aube écarlate, organisation au service de l’Empire, un jeune homme, Han (Alden Ehrenreich) tente de s’évader...

le 24 mai 2018

79 j'aime

32

Du même critique

Tenet
lhomme-grenouille
4

L’histoire de l’homme qui avançait en reculant

Il y a quelques semaines de cela je revoyais « Inception » et j’écrivais ceci : « A bien tout prendre, pour moi, il n’y a qu’un seul vrai problème à cet « Inception » (mais de taille) : c’est la...

le 27 août 2020

236 j'aime

80

Ad Astra
lhomme-grenouille
5

Fade Astra

Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...

le 20 sept. 2019

206 j'aime

13

Avatar - La Voie de l'eau
lhomme-grenouille
2

Dans l'océan, personne ne vous entendra bâiller...

Avatar premier du nom c'était il y a treize ans et c'était... passable. On nous l'avait vendu comme l'événement cinématographique, la révolution technique, la renaissance du cinéma en 3D relief, mais...

le 14 déc. 2022

158 j'aime

122