Revoir ce - désormais - classique du cinéma (disons l'une des adaptations les plus réussies d'un comic book à l'écran) permet d'abord de réaliser combien ce cinéma-là, celui des blockbusters basés sur des super-héros US, a régressé en 20 ans, et surtout depuis la mainmise de Disney sur Marvel.


En effet, avec ce très beau et souvent très surprenant "Spider-Man", Sam Raimi, un véritable auteur longtemps moqué du fait de son goût pour la série B, voire Z, était enfin parvenu à ce qu'il souhaitait : mettre tout son talent et son amour de la BD dans un film à gros budget, qui devienne par là-même un immense succès populaire. Le résultat de son travail était, et reste étonnamment mature, ludique et esthétique à la fois, dépassant avec une simplicité déconcertante toutes les (fausses) limites du "cinéma commercial". En humanisant son sujet sans rien perdre pour autant du spectaculaire nécessaire au genre, en laissant un espace étonnant à ses acteurs (tous, des premiers aux seconds rôles totalement crédibles dans des vrais personnages de chair et de sang), Raimi réalisait ici l'impossible combinaison entre l'univers unidimensionnel de la BD et la complexité de l'aventure intime.


Si les scènes d'action s'avèrent toujours un peu pénibles du fait de la faiblesse du personnage du Green Goblin (avec un Willem Dafoe un peu empêtré quand même dans un costume figé et ridicule), on se délecte toujours à loisir des tourments de la puberté chez Peter Parker : l'une des grandes inspirations de Sam Raimi était sans doute d'avoir radicalisé le hiatus entre le super-héros, qui sauve des vies humaines, et son double dans la réalité, un jeune puceau neurasthénique... Une vraie bonne idée qui s'était traduite par le choix brillant du virginal Tobey Maguire, qui, à 26 ans, en paraissait 15. Quant à Kirsten Dunst, semblant sortir ici directement du cauchemar "White Trash" de l'Amérique des pauvres, elle entrait dans la légende, toute en sensualité terre-à-terre, l'inverse parfait de son personnage éthéré de "Virgin Suicides".


Il y a malheureusement fort à parier qu'on devra attendre longtemps avant de revoir un film de super-héros capable d'une telle intelligence et d'une telle sensibilité... et qu'aucun ne nous proposera à nouveau une scène aussi magique que celle du "baiser à l'envers" !


[Critique écrite en 2021, à partir de notes prises en 2002 et 2004]

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le 22 févr. 2021

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Eric BBYoda

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