La version de Spider-man incarnée par Tom Holland né d’un accord historique entre Sony Pictures détenteur des droits cinématographiques du personnage et Marvel Studios (propriété de Disney) lui permettant d’apparaître dans le MCU, après son introduction dans Captain America : Civil War, développée dans son propre film solo réalisé par Jon Watts (Cop Car) est devenu un personnage crucial de cet univers. Sa relation presque filiale avec Tony Stark – Iron man ayant joué un rôle primordial dans le diptyque Avengers Infinity War et Avengers Endgame. Si bien que ce nouveau volet de ses aventures , toujours réalisé par Watts, nous est vendu comme un épilogue à la saga Infinity puisqu’il est le premier film à explorer les conséquences de la mort du personnage. Dés les premières minutes l’impact des événements de Avengers Endgame sur la vie quotidienne du lycée que fréquente Peter et ses amis (dont la plupart ont été effacés par Thanos) est résumé de façon astucieuse et hilarante. Plus sérieusement Spider-man Far from Home place l’héritage symbolique de Tony Stark au cœur de ses thématiques : Peter Parker est-il digne de prendre sa succession comme héros principal d’un monde qui a vu disparaître deux de ses icônes ? Watts et ses co-scénaristes Chris McKenna et Erik Sommers (Jumanji, Ant-man et la guêpe) savent que les meilleures histoires de Spider-man se doivent de le tirailler entre les responsabilités qu’entraînent ses pouvoirs (rendues ici d’autant plus écrasantes puisque s’y ajoute le devoir de se montrer à la hauteur de son mentor décédé, la figure de Stark remplaçant dans cette itération celle de l’oncle Ben) et les aspirations de sa vie d’adolescent, en particulier son désir de révéler ses sentiments à MJ. Le scénario joue en permanence de ce dilemme multipliant les mésaventures pour Peter et donnant ses responsabilités une manifestation physique dans la personne d’une nouvelle figure tutélaire bien moins bienveillante que Stark : Nick Fury (Samuel L. Jackson). Disparu de la circulation durant cinq ans le maître espion veut rétablir ses réseaux auprès des super-héros et compte sur Spider-man pour en être une pièce essentielle au coté d’un nouveau venu Quentin Beck aka Mysterio incarné par Jake Gyllenhaal un super-humain venu d’une terre parallèle suite aux perturbations cosmiques provoquées par la guerre de l’Infinité. Les deux héros vont devoir s’allier pour affronter des créatures élémentaires qui ont déjà détruit son monde d’origine alors que Peter et sa classe sont en plein voyage scolaire à travers l’Europe.


Malgré ses bonnes intentions Spider-man Far from Home apparaît comme un film déséquilibré : sa première partie indispensable à l’établissement de la menace dans la seconde manque d’intérêt en dehors de cette fonction qui relève purement de la mécanique narrative. Si le scénario l’habille dans un « euro-trip » motif classique de la comédie adolescente, le dispositif est moins efficace que la trame du précédent inspiré par le teen-movie tel que l’a défini John Hughes. Le voyage de Peter Parker et de sa classe en Europe après un début plaisant qui emploie des figures attendrissantes de rom-com – faisant au passage de jolis clins d’œil à la continuité des comic-book avec la relation Ned (Jacob Bartalon) – Betty Brandt (Angourie Rice) – paraît de plus en plus artificiel, l’humour perd de sa finesse initiale. Les personnages d’accompagnateurs incarnés par Martin Starr (Silicon Valley) et J.B. Smoove deviennent vite agaçants. Certaines situations sont, en dehors de leur fonction utilitaire (introduire le mac-guffin du film), superflues à l’image d’ une séquence dans un car qui les conduit à travers les Alpes autrichiennes manque de sombrer dans le ridicule . Cette bascule dans un rôle comique toujours plus prononcé vide les personnages de Nick Fury (Samuel L. Jackson) et Maria Hill (Cobie Smulders) de poids dramatique confirmant un glissement dans leur traitement déjà entamé dans Captain Marvel. Les séquences d’action qui ponctuent cette première partie sont de grandes envergures mais l’omniprésence des effets visuels et un montage utilitaire les privent de poids et d’enjeux. L’introduction de Mysterio manque aussi d’épaisseur malgré les références au multivers (la Terre 616!! ).


Evidemment les connaisseurs les plus aguerris des comics parmi les spectateurs auront deviné la raison du manque (littéral) de substance de ses séquences mais nous aurions préféré qu’elles soient mieux amenées. Spider-man Far from Home prend en revanche un tour bien plus intéressant dés qu’il lève le voile sur la vraie nature de la menace qui plane sur Spider-Man et le monde. Cette révélation (Le Prestige dirait Christopher Nolan) est la partie la plus réjouissante du film. Comme Homecoming avec son traitement du Vautour, Far from Home réussit une fusion parfaite entre les origines classiques des premiers vilains de Spidey créés par Stan Lee et Steve Ditko (Mysterio est apparu dés 1964 dans The Amazing Spider-Man #13) et la continuité établie dans les films du MCU. Une fois encore les motivations des antagonistes sont liées de manière organique à l’impact que Tony Stark, sa technologie et ses aventures ont eu sur cet univers tout en se rattachant à la thématique de la transmission de son héritage dont ils incarnent la face sombre. A travers son vilain le film s’autorise même un clin d’œil assez sombre au monde de la post-vérité et des fake-news. Cette partie est la plus efficace car elle éprouve notre héros et ramène un peu de tension dramatique, même si le film aurait pu aller un peu plus loin dans l’arc émotionnel de Peter. Watts trouve dans la confrontation entre le tisseur et sa nemesis de belles idées visuelles qui évoquent le surréalisme des planches de comics. Hélas cette originalité s’évapore un peu dans un climax certes drôle et spectaculaire mais qui souffre d’un sentiment de déjà-vu et donne l’impression d’un final normalisé de film Marvel Studios (on pense à Age of Ultron et même Iron Man 2 !!). Cette tendance souligne après Captain Marvel l’importance pour Kevin Feige (aka Satan pour une partie des critiques françaises) de renouveler un peu les cadres du studio au risque voir ses films devenir les produits formatés que leur détracteurs les accusent déjà d’être.
Tom Holland confirme être la synthèse parfaite des interprètes précédents et se montre toujours aussi à l’aise dans toutes les facettes du personnage (si à nos yeux Tobey Maguire était un excellent Parker son Spider-man était trop mutique là où la version d’Andrew Garfield excellente dans le costume était bien trop assurée en Parker) il apporte dans ce second volet de ses aventures solo un peu de la gravité qui manquait à sa version du personnage jusque là. Il partage un lien crédible et chaleureux avec Jacob Batalon, et sa relation avec Zendaya parfaite de naturel en MJ est touchante et romantique. Jake Gyllenhaal, qui manqua de remplacer Tobey Maguire dans Spider-man 2 fait enfin son entrée dans le monde de Spider-man et s’amuse visiblement, il embrasse son rôle dans toutes ses facettes il exsude une menace décontractée et se montre toujours charmant même quand il révèle sa véritable nature. Il marche sur le fil d’une performance « campy » sans jamais franchir la ligne rouge comme dans un monologue de vilain qu’il anime avec naturel et compose un ennemi à la malveillance assumée Si nous avions apprécié la mise en scène de Cop Car qui semblait déjà très assurée Jon Watts peine à maintenir une unicité de ton à travers le film. Il confirme toutefois son talent de directeur d’acteurs en particulier avec ses jeunes comédiens tous formidables. On regrette la palette colorée du précédent opus, la photographie de Matthew J. Lloyd (Power Rangers, les séries Daredevil et Defenders sur Netflix) est assez plate et ne met pas en valeur les textures des pays visités par notre héros. Le montage de Dan Lebendal (sociétaire de Marvel Studios puisqu’il a officié depuis Iron Man sur cinq films dont Ant-man) si il assure un rythme indispensable à l’ensemble ne peut en masquer les longueurs.


Conclusion : Si Spider-man Far From Home est à l’image de son prédécesseur une comédie d’action divertissante qui exploite intelligemment l’univers partagé tout en étant autonome, même si les ingrédients du cocktail sont ici plus déséquilibrés. Desservi parfois par un humour parfois omniprésent et des scènes d’action trop « formulaiques » le film est sauvé par des trouvailles astucieuses et l’entente de ses comédiens…et par une scène post-générique enthousiasmante à la fois pour les perspectives qu’elle ouvre pour la suite des aventures du tisseur et pour une raison que nous ne dévoileront pas mais va provoquer l’enthousiasme des fans des aventures cinématographiques de Spidey.

PatriceSteibel
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le 26 juil. 2019

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