Il était une fois un monsieur qui avait 23 bonhommes dans sa tête

J’ai pu aller voir ce film avec des amis cinéphiles. Une soirée qui s’annonçait plutôt sympa. Elle l’a été. Mais en sortant de la séance j’avais du mal à sortir les mots qu’il fallait. Il y a des films, quand ils se terminent on a besoin de souffler, respirer un grand coup, s’aérer l’esprit avant de pouvoir réfléchir à ce qu’on a vu. Avant de pouvoir sortir un quelconque son cohérent avec le moment. Split est un de ces films.


Suite à quelques recherches avant ma séance, j’ai pu remarquer que les différents sites, critiques et autres l’avaient classé dans la catégorie « horreur », catégorie dans laquelle je n’ai pas encore trouvé mon bonheur d’ailleurs. J’en étais très étonnée. Même après l’avoir vu, et malgré quelques scènes qui pourraient nous inciter à fermer les yeux, ce film est un très bon thriller mais non un film d’horreur. Je m’explique. Un film de ce genre montre des images horribles, affreuses, que nous n’avons envie de revoir en aucun cas. Split est un film de tension, de suspense, (très bien géré) qui fait monter cette tension crescendo au fil du temps. Bien que Shyamalan se soit déjà illustré dans ce genre, sa dernière œuvre n’en fait pas partie.


Commence maintenant la partie que vous ne devez pas lire si vous n’avez pas encore vu ce film. Le synopsis (malgré quelques flashbacks) paraît simple dans le sens où l’action se déroule (quasiment) au même endroit, durant une courte période avec peu de personnages. Il met en scène Kevin, un homme atteint du trouble dissociatif de l’identité. Ce sont donc 23 personnalités différentes qui peuvent « prendre la lumière » dans le corps de Kevin. Or, un beau jour (je ne me souviens plus si il y avait des nuages), cet homme enlève trois adolescentes: Claire, Marcia et Casey. Il les enferme dans un sous-sol. Marcia et Claire sont le stéréotype des victimes de films d’horreur: elles perdent vite les pédales en pensant être pleinement conscientes de ce qu’elles font; elles essaient de jouer les héroïnes alors que leurs idées nous paraissent aberrantes et plus le film avance, moins elles sont vêtues. Il nous arrive même de se prendre à rigoler d’elles alors qu’elles sont quand même retenues en otage et bien comme il faut. Casey, elle, nous est présentée dès la première scène comme « asociale ». Bon, ok, c’est elle la plus intelligente et qui va s’en sortir. On comprend tout de suite quel personnage va nous paraître le plus sensé. Les filles font la connaissance de plusieurs personnalités qu’elles essaient alors de manipuler pour s’en sortir. Mais leur méthode ne fonctionne pas. Alors deux d’entre elles (devinez qui?) paniquent et essaient de fuir. Essaient. Bien tenté. Elles se retrouvent donc enfermées dans des placards indépendants. Pendant ce temps nous voyons des entrevues entre le Dr Fletcher, qui connaît Kevin et son trouble et Barry, l’une des identités. Le Docteur comprend (pas très rapidement) qu’une 24e personnalité va naître et qu’elle n’est pas très gentille. Effectivement, la Bête a une forme physique surhumaine, des veines qui ressortent, elle marche sur les murs et se nourrit de chair humaine… Je ne m’étendrai pas plus là-dessus, vous devez avoir vu le même film que moi. Maintenant je voudrais parler de plusieurs points


Je trouve le choix des acteurs assez cohérent. Bon, les personnages ne sont pas forcément hyper développés, l’histoire tourne surtout autour de Casey et Kévin. L’actrice de Casey, Anya Taylor-Joy joue bien. Ce rôle lui correspond, il n’y a rien à dire. Mais c’est évidemment le jeu de James McAvoy qui nous épate, nous effare, nous laisse scotché à notre fauteuil.Au vu des réactions de l’audience dans la salle, je pense que mes compagnons de séances seront d’accord avec ce que je vais dire. Les personnalités de Kevin sont reconnaissables au début grâce aux vêtements qui changent en même temps qu’elles (enfin c’est Kevin qui se change, il y a bien un côté fantastique dans ce film mais ça ne va pas jusque là).Mais au bout d’une vingtaine de minutes, voire moins, nous reconnaissons l’identité « à la lumière » même lors de gros plans sur son visage (et donc sans les repères vestimentaires). Comment alterner entre un gamin qui adore se dandiner sur Kanye West, une femme catho et droite, un homme maniaque aux fantasmes bizarres, et un fana de mode (gay?) et adorable? Demandez à McAvoy, il vous filera intro, développement, conclusion plus complet que ce que vous attendez. Il pouvait nous faire rire, et la seconde d’après nous faire flipper. Il est fascinant. Très très bon, excellent acteur digne de ce nom.


Autre élément remarquable du film: la gestion du suspense. En regardant ce film on sait qu’on va stresser. Sinon, on le sent dès le début du film. Mais on ne sait pas quand les moments de tension vont arriver. C’était bizarre, au début de la séquestration je ne savais pas si je devais flipper ou pas. C’était une situation plutôt inconfortable où tu te sens manipulé (et c’est le cas). Je dirais que la tension commence à arriver lors des visites chez le Dr Fletcher, quand tu comprends qu’il y a un truc qui cloche chez les identités de Kevin (hormis l’enlèvement). Comme je disais plus haut, à partir de ce moment la tension monte petit à petit. Mais elle s’accélère brutalement au moment de l’apparition de la Bête. Elle atteint son paroxysme quand Casey réussit à sortir de la pièce où elle était enfermée pour se rendre compte que finalement elle était peut-être mieux à l’intérieur. Moment de stress intense, où tu en es presque à mordre l’accoudoir (en faisant attention au bras de ton voisin). Mais bizarrement, la jeune Casey réussit à calmer l’étrange individu en l’appelant par son nom. Le pauvre se rend compte de ce qu’il a fait et lui demande de le tuer. Pendant ce moment, la tension est redescendue pour laisser place à un pathétique surprenant. C’était surtout très bien joué de la part de Shyamalan. Effectivement, insérer du pathos à ce moment là permettait d’enchaîner avec une nouvelle montée de stress rapide quand les identités reprennent le contrôle de Kevin. Voilà, c’est cette manipulation du spectateur que je trouve assez incroyable et devant laquelle je m’incline par respect.


La mise en parallèle des histoires de Casey et de Kevin sont assez bien faites, bien que bâclée sur certains points je trouve. Comme par exemple la sélection pur/impur faite par la Bête qui est explicite mais quelque chose me dérange dans la manière dont cela est apporté.


Après ce film est loin d’être parfait, il a des défauts comme tout le monde. La promesse marketing des 23 identités se révèle décevante quand tu remarques que seulement quatre ou cinq personnalités sont bien développées. Je sais, l’acteur fait déjà du bon boulot, mais je pense que je ne suis pas la seule qui aurait souhaité en connaître un peu plus. On aurait pu le reprocher le stéréotype des personnages de Claire et Marcia mais elles m’ont fait bien rire.


Le twist final, je suis obligée d’en parler mais si vous voulez des précisions, renseignez vous ailleurs, d’autres font ça bien mieux que moi. Ce gros caméo que Shyamalan a fait à…lui même en fait annonce en quelques sortes Unbreakable 2 dans lequel Bruce Willis apparemment reprendra son rôle. Je n’ai pas encore vu Unbreakable mais apperemment cette scène. Mais même sans l’avoir vu je suis d’accord. Alors que ce film se détache du lot en ce moment, ils nous claquent à la fin une scène bien à l’américaine avec une sorte de travelling avant. Il manquait plus que les lunettes de soleil et la clope dans la bouche. Bon, cette scène m’a fait plus rire qu’autre chose.


Globalement j’ai vraiment bien aimé ce film, j’en ai été agréablement surprise. Un acteur principal incroyable, une maîtrise totale du suspense (franchement il peut aller loin), c’est ce que je retiens (et que j’ai développé d’ailleurs).

Cine_mad
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le 26 févr. 2017

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