Au moment où je commence à écrire cette critique, je réalise soudain qu'il va être très difficile de parler du personnage principal puisqu'il possède 23 personnalités distinctes avec autant de prénoms différents.
Par souci de clarté, ce personnage, qui englobera les personnalités de Kevin, Hedwig, Dennis, Patricia et caetera, sera nommé ici Jean-Michel.
Autre précision : ne scrollez pas trop vite, ça va spoiler.
Split est le nouveau film de M. Night Shyamalan narrant l'histoire de Casey, qui est kidnappée avec deux de ses copines, par un homme possédant un trouble de dissociation de la personnalité : 23 personnes différentes dans un seul corps. Tout l'enjeu du film repose sur la découverte des raisons de ce kidnapping.
Un petit arc narratif secondaire (qui viendra bien sûr rejoindre le premier) expose par une série de flashbacks la jeunesse de Casey, qui n'est décidément pas très "famille", et permet de comprendre les raisons de son isolement. Isolement qui est évident et bien mis en avant à l'écran. Le premier plan où Casey apparait est par exemple un travelling compensé pour souligner sa solitude, la déconnexion avec les autres adolescents de sa classe. Un autre cadre montre les trois jeunes femmes côte à côte sur le même plan, mais Casey seule sur la gauche de l'écran et ses amies à droite, séparées visuellement par un poutre verticale au second plan qui isole Casey de son côté.
Bref comme toujours, Night soigne ses plans, ses cadrages, ses couleurs.
Et il demande beaucoup à ses acteurs. Anya Taylor-Joy est très douée, mais c'est surtout la performance de James McAvoy que l'on retient dans le rôle de Jean-Michel. Il est exceptionnel, bluffant. Au final, il joue six personnages différents de manière extrêmement juste (deux ou trois autres de plus, mais de manière très épisodique), sans jamais tomber dans la caricature. Chacune de ses interprétations a des tics, mimiques, expressions faciales différentes. C'est ahurissant. Dans une scène, deux personnalités de Jean-Michel sont présentes à la suite, et l'on peut distinctement définir, rien qu'à son visage, sans qu'il parle, le moment précis où les deux échangent de place. C'est un acteur incroyablement talentueux et rien que pour ça, le film mérite d'être vu.
Et oui, rien que pour ça, je conseille ce film, même s'il a des défauts. Quelques défauts d'écriture notamment. L'arc narratif de la jeunesse de Casey ne sert pas réellement à grand chose. Il faudra attendre la toute fin du film pour saisir où Night voulait nous emmener avec des flashbacks certes forts mais dérangeants. La tension monte à mesure que l'on s'approche de la fin, puis lorsque l'on comprend à quoi cet arc va servir dans la progression du scénario, on se dit "tout ça pour ça ?"
De même, l'arc narratif principal accumule avec grand succès les scènes d'angoisse amenant un final puissant et espéré, mais toute cette progression est désamorcée de manière factice et décevante lorsque les deux arcs se recoupent.
Pour en parler un peu plus, je vais devoir spoiler. You have been warned.
SPOILERS
Des cicatrices... C'est pour ça qu'il ne la tue pas ? Prononcer son nom, ça n'a pas marché, c'était la première porte de sortie foireuse (alors que la psychiatre était persuadé que ça le mettrait hors d'état de nuire), le fusil est la deuxième puisqu'il semble insensible... Et alors que l'on commence à accepter la fatalité et l'inéluctable sort de casey, Jean-Michel s'en va parce qu'elle a été maltraitée et qu'elle est comme lui ?
C'est un peu décevant. Toute la montée en puissance de la dernière personnalité, à grands renforts de longue focale sur les personnages, est désamorcée de manière, je trouve, assez artificielle. Et du coup, l'arc de la jeunesse de Casey qui amène ça, est tout aussi artificielle et perd son sens.
Par ailleurs, les transformations physiques dues à telle ou telle personnalité de Jean-Michel me semble être un ressort fantastique un peu gros. Le monde qui nous est présenté est le notre. Qu'un homme possède 23 personnalité ça peut passer, mais qu'en changeant de personnalité, il puisse grimper au mur, ça en devient incohérent... Quoi, cette personnalité fait pousser des glandes temporaires de gecko sur les panards ?
Que la personnalité de l'enfant ait un tic de langage, ça se comprend, ça a une origine psychologique et donc cette personnalité, avec sa conscience propre, sa manière de raisonner, ses capacités cognitives, peut avoir un trouble inconscient qui provoque un bégaiement. Mais pourquoi la Bête aurait les poils plus longs ? Et quand un autre Jean-Michel revient, les poils raccourcissent ?
Outre ce problème de crédibilité, un dernier point qu'il faut aborder, en spoilant comme un salaud, c'est le caméo de fin. Bruce Willis, campant l'agent Dunn, est le moyen le plus efficace de nous faire comprendre que Split et Incassable se passent dans le même univers.
Je trouve ça absolument génial, quand on sait que Night travaille sur Incassable 2. En clair, M. Night Shyamalan est en train de créer, en quelques sortes, son propre Shyamalan Extended Universe au nez et à la barbe de DC et Marvel. Incassable, qui avait déjà la forme scénaristique d'un comic book, aura donc une suite dont le grand méchant sera probablement la Horde. Et je suis super hypé.
Et croyez-moi qu'un MNS Universe me tente beaucoup plus qu'un Marvel qui nous fait tous les ans peu ou proue le même film avec des acteurs différents.
FIN DES SPOILERS
Donc oui, allez voir Split, ne serait-ce que pour ce qu'il annonce et pour James Mc-fucking-Avoy. C'est un film intéressant et qui fait vraiment sens dans la filmographie de son réalisateur. Et ce film donne la banane.
(Je vous laisse une fois n'est pas coutume sur un jeu de mot de merde)