« Spotlight » est un film de 2015, écrit et réalisé par Tom McCarthy. Il met en scène l’équipe journaliste éponyme du Boston Globe, durant son enquête de 2001 sur les affaires de pédophilie des prêtres catholiques dans la région. Le film réunit quelques têtes d’affiche connues, tels Michael Keaton, Mark Ruffalo, Liev Schreiber ou la merveilleuse Rachel McAdams.


Début du film. Nous sommes à Boston dans les années 1970. Une famille défaite est entendue au commissariat pour se plaindre des sévices du prêtre Geoghan. L’affaire n’ira pas plus loin : un religieux de haut rang et son avocat rencontrent la famille, et lui promettent de muter l’ecclésiaste coupable dans une autre paroisse. En ce cas, nulle raison de faire la publicité de cette histoire, n’est-ce pas ?


Après cette entrée en matière sans fioriture, l’on fait connaissance avec les journalistes de Spotlight, trente ans après. L’arrivée prochaine d’un nouvel éditeur, réputé pour sa sévérité, occupe toutes les conversations au sein du Globe. Celui-ci, Marty Baron, n’a toutefois qu’une préoccupation : rehausser les ventes du journal, qui subit durement la concurrence d’Internet. Spotlight, dit-il, peut être la clé de cette stratégie. L’équipe est chargée de reprendre l’enquête sur les affaires d’abus de mineurs par des prêtres catholiques.


Inspiré par les grands films de journalistes de l’histoire du cinéma – McCarthy cite parmi ses influences des films tels que « Network », « Les Hommes du président » ou encore « Ace in the Hole » – « Spotlight » est un film dédié au journalisme d’investigation. L’on s’attache aux pas d’une petite équipe déterminée et très professionnelle, que l’on suit durant toutes les phases de l’enquête. C’est l’une des grandes forces du film : la reconstitution du milieu journaliste est très réussie, le frisson de la découverte et la satisfaction de voir les pièces du puzzle s’assembler peu à peu sont parfaitement retransmis.


La réalisation de « Spotlight » n’empiète jamais sur ce qui est important : le fond, l’enquête, la manière de la construire et de la narrer. Tous les efforts de mise en forme sont faits pour servir le propos du film, avec justesse et précision. On retrouve quelques techniques déjà mises en œuvre dans « The Martian » de Scott, et, notamment, une belle économie de passages superflus. Ici, l’on ne joue pas sur la corde sensible ; le sujet l’est suffisamment pour s’éviter des séquences bien lourdes et larmoyantes. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on ne transmette pas d’émotion. Cela passe par les excellents acteurs du film, qui expriment une colère, peine et incompréhension bien réelles devant l’ampleur de l’horreur. Les seconds rôles sont également très justes, restituant la détresse des victimes qui ont subi la plus abominable et impardonnable des trahisons : celle de leur foi.


Les cinq ou six acteurs principaux sont au sommet de leur art. Michael Keaton mène la danse, en chef d’équipe déterminé et charismatique, impressionnant à l’écran. Quant aux autres, ils ne sont pas en reste : Mark Ruffalo en journaliste teigneux et intraitable, John Slattery en rédacteur en chef, l’ours Liev Schreiber en éditeur placide et travailleur sans oublier Stanley Tucci aux faux airs d’Al Pacino en avocat irascible et la belle Rachel McAdams en reporter efficace. Toutes ces interprétations sont vibrantes de justesse, et, dans les locaux reconstitués du Boston Globe, l’immersion chez ces journalistes est instantanée.


« Spotlight » est un film passionnant dans le sens où l’enquête que l’on nous fait revivre compte indéniablement parmi les grands reportages de l’époque moderne. L’équipe du journal fut d’ailleurs très légitimement récompensée du prix Pulitzer pour avoir mis en lumière l’affaire. L’un des atouts du film, c’est aussi sa capacité à retranscrire l’atmosphère particulière d’une enquête de cette ampleur, surtout vu la nature de sa cible. L’ombre de l’Eglise est partout ; dans toutes les conversations comme dans tous les plans, où les silhouettes menaçantes des bâtiments du clergé obscurcissent les cieux – tout un symbole. Le film est assez noir, épinglant sans ménagement toutes les déviances d'un système entièrement corrompu, du bas en haut de l'échelle. Le plus odieux, comme toujours, c'est que ce sont les plus vulnérables qui trinquent : les enfants issus de milieux défavorisés. Et si l'Eglise, censée aider ceux qui sont les plus démunis, ceux qui ont été abandonnés par toutes les autres institutions, se fait monstrueuse, quel espoir peut-il subsister ?


Il y a quelques ressemblances entre « Spotlight » et « The Big Short », deux films de 2015 nominés pour les Oscars qui se tiendront dans quelques semaines. La plus évidente, c’est cette idée de s’attaquer à un fait d’actualité, en déployant des trésors d’ingéniosité pour le rendre intéressant. Au final, c’est peut-être ça, le genre le plus prometteur d’aujourd’hui : des sortes de "super-documentaires" traitant de sujets passionnants et servis par une réalisation léchée et un casting d’exception.

Créée

le 31 janv. 2016

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Aramis

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