Ken Park, Virgin Suicides, Nowhere, Cashback, Bronson, Paranoid Park. Des films qui, à un moment donné, se sont adressés à une frange particulière de la population afin d'en dynamiter les codes. Spring Breakers s'inscrit dans cette mouvance, mais rate le coche à mon grand désespoir.

Je connais une bonne partie de la filmo de Korine. Je sais l'immense apport qu'il a pu effectuer au cinéma de jeunes (un véritable genre à part entière). Donc je vais zapper temporairement tout le "battage" que l'on peut faire autours de ce film, car il me semble malheureusement un peu vain. Spring Breakers est un film né pour être mal vendu, contrairement à d'autres production qui se retrouvent parfois malgré elles vendues comme du jambon le jour de l'Aïd-el-Kébir, ce film n'existe que pour présenter des starlettes Disney Channel en bikini, attirer les foules, et jouer sur un contraste/sabotage pour attirer d'autres personnes plus "éclairées" (potentiellement, une bonne partie de la population locale). Tout le monde le sait, même ma grand-mère le sait, inutile de s'attarder là-dessus.

Est-ce que c'est réussi donc ? Oui et non, il y a de très bonnes choses, notamment la volonté de mettre la jeunesse face à ses propres excès (message qui doit fonctionner encore mieux aux États-Unis, où le Spring Break est une véritable institution), ou ces idées qui se prennent à contre-pied en permanence (damn, cette séquence au ralenti sur fond de Britney Spears, non seulement c'est fun, mais en plus c'est très juste) ; mais il y a aussi d'autres éléments un peu moins compréhensibles ou pardonnables, et je pense notamment à tout ce pseudo-build up final, qui en fait retombe comme un soufflé et laisse un goût amer dans la bouche.

Spring Breakers est un film équilibriste. Il a pour job de montrer tous types d'excès, et a même carte blanche pour partir dans l'excès lui-même, mais se retrouve coincé entre la caricature et le sabotage. Quel est l'apport de Faith au groupe par exemple, sinon faire cachetonner Selena Gomez, qui pourra par la suite se vanter d'avoir joué dans une production borderline ? Quel est l'intérêt de voir cette fille partir au premier signe de difficulté, pour ensuite ne plus la revoir du métrage ? S'agirait-il d'une battle royale féminine, où seules les plus mauvaises filles ont droit de survie ?

On ne le saura jamais, car le film ne procure pas les réponses à ces questions. Le film ne procure jamais de réponse, car l'intérêt est ailleurs. Pas dans le message, mais dans l'enveloppe. Il n'y a d'ailleurs pas de message, et toute l'erreur serait d'en chercher un. Excessif, vacuitaire et superficiel, Spring Breakers touche sa cible en plein centre en renvoyant un miroir peu flatteur (ou pas) de et vers la génération Y. De ce côté-là c'est tellement bien fait que l'on ne saurait trancher entre hommage et moquerie. Un bon point donc.

Et il y a ce moment où le film veut parler, dire des choses qu'il estime intéressantes, où tout retombe progressivement. Grosso modo à partir du moment où les filles rencontrent Alien et transforment leur périple en rite initiatique qui n'en n'est pas un. Tous les filtres Instagram du monde ne peuvent alors plus sauver l'oeuvre, qui ne peut désormais plus se cacher derrière une certaine ambiguïté pour excuser ses atours de clip de luxe. On attend une histoire, et il s'agit généralement de la pire chose que l'on peut attendre de ce type de film.

Reste le trip. Bien foutu, mais bancal du coup. Un trip à l'image du film, porté tantôt par un Cliff Martinez auquel il serait bien difficile de demander un mauvais morceau, tantôt par un Skrillex auquel il serait bien difficile de demander un morceau écoutable. Dans le même genre, je lui ai préféré Paranoid Park ou Cashback, qui m'ont vraiment laissé groggy à l'issue de la séance, mais ce serait vraiment rabaisser la qualité du film sur ce point que de le faire jouer dans la cour des grands.

Une semi-déception donc, pour une semi-réussite, ce qui est d'autant plus dommage que le long-métrage d'Harmony Korine a tout pour plaire sur le plan formel. Une chose est sûre cependant, quand bien même je tergiverserais pour lui trouver autant de qualités que de défauts, ce film-là n'a rien de moyen : ce qu'il fait bien, il le fait très bien, et ce qu'il fait mal, il le fait très mal. Et l'herbe est verte et le ciel bleu, voilà voilà.

Reste, pour le mot de la fin, que c'est un film plutôt intéressant, et que si j'ai été relativement déçu, eu égard de ce que j'attendais de Korine, je vous conseille tout de même d'aller vous faire votre propre avis en salle. Et d'aller rigoler de ces gamines de 13 ans qui s'attendent à voir Selena Gomez dans un Projet X.
HarmonySly
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le 7 mars 2013

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HarmonySly

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