Après le ras de marée d'avis négatifs, les déceptions en tout genres et quelques timides avis défendant la bestiole, il est plus reposant de découvrir suicide squad, grosse bestiole hybride qui s'annonçait comme LE blockbuster de l'année (en attendant Rogue one). Entre l'ensemble des arcs narratifs et la multitude d'incohérences qui rythment le film, gardons la tête froide, débarrassés maintenant de toute attente.


Formellement, le ratage est effectivement flagrant. Plans insérés à la sauvage, bande son aléatoire, rythme très inégal, avec une réalisation qui finit par être plus proche du clip que du cinéma. Il est amusant de ressortir à ce titre l'anecdote du clip de Skrillex s'incrustant sur le plateau de tournage, avec le DJ renommé faisant quelques pirouettes pendant l'entrée d'un Joker bien polémique. Cette séquence, tournée clairement dans un registre gangsta, est justement calquée sur la structure d'un clip, de même que les ellipses qui font office de raccord entre les séquences. A ce stade, le film assume son mauvais goût et son rôle de fan service. Pour quels fans ? J'aurais tendance à pointer les ados en ce qui concerne le couple Quinn-Joker. Leur romance très chemical est à la fois niaise et curieusement sympathique. Je ne dis pas touchante (car la mécanique sentimentale du film est inexistante), mais rigolote dans son côté dark kikoo assumé. D'ailleurs, Harley Quinn sent bon la praline et le Joker évoque davantage l'imagerie d'une marque comme Axe, les déodorants pour homme (toujours à moitié à poil, suant dans l'action ou faisant dans le badass survolté). On est dans un univers de pacotille où des cabotinages de personnages entraînent des millions de dollars de dégâts. A ce stade, on se contente donc de peu, et dans ce registre pauvre et médiocre, le film se révèle très généreux. C'est ridicule, mais jamais ennuyeux. Le film a beau contenir d'énormes problèmes de développement (les 3/4 des personnages sont expédiés, leurs histoires en font des méchants de pacotille...), il y a toujours un petit truc qui fonctionne au bon moment pour nous faire oublier le naufrage en cours de route. Le comble du ridicule est atteint avec le duo de méchants (une sorcière qui bodyshake et un Toutan-néon tentaculé), qui bousille tout sans se fouler avant de se casser les dents sur la batte d'Harley. Cette surenchère de vide n'est finalement pitoyable que quand on y prête attention, sans cesse contre-balancée par un détail amusant ou une réplique rigolote.


Sur le plan mythologique, j'imagine que c'est ce qui a coulé le film auprès des fans de marvel. Oups, DC, DC, c'est pas la même chose ! La relecture gangsta pokeface du joker notamment (ainsi que sa relative absence), la stérilisation des personnages question méchanceté, un scénario au rabais... Sur le plan sérieux, on peut déjà rétorquer que chaque film instaurant ses propres règles (à moins de vouloir s'inscrire dans une saga, les univers étendus étant plus souples), suicide squad n'avait pas à s'imposer de codes particuliers. On peut critiquer l'efficacité des choix opérés, mais pas la tentative d'enrichir un peu en tentant des trucs. Quand les trucs deviennent une orgie de mauvais goût, je comprends qu'on l'ait mauvaise de voir un film pisser sur ses icônes, mais dans la cohérence de la médiocrité, cela finit par être raccord. Je n'arrive pas à être déçu devant suicide squad, ni même devant le nouveau joker (au demeurant le plus charismatique visuellement, puisqu'il sent bon le déo, aime les baggouzes et qui se comporte d'une façon réellement ambiguë). A force de s'enfoncer dans la médiocrité, il en est devenu attachant, car ce n'est pas un film où la médiocrité est difficile à accepter. Les attentes provenaient surtout de l'univers. Une fois celui ci dégradé au niveau d'un clip, on pouvait commencer les réjouissances sans plus risquer quoi que ce soit. Il manque toutefois de temps forts dans sa déchéance, il aurait fallu quelques vrais moments de mauvais goût pour devenir un cousin de Dobermann. Mais on tient là un navet qui n'est pas si déplaisant. Un plaisir coupable un peu gênant qu'on reverra avec plaisir.

Voracinéphile
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le 21 oct. 2016

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