Interrogée sur le changement de nom des protagonistes de son film, Sofia Coppola eu comme réponse : «je n'avais pas envie de les rendre plus célèbres qu'ils ne l'étaient déjà ». Un entreprise vaine, tant il était évident que la mise en scène d'évènements réels par une réalisatrice en vogue, avec de puissants arguments promotionnels, ne pouvait qu'offrir une vitrine de luxe a un groupe finalement méconnu en dehors des États Unis. Une simple recherche sur internet suffit en effet à révéler l'identité des membres du "Bling Ring" ainsi que de nombreux détails sur l'affaire. Celle ci est désormais bien connue : entre octobre 2008 et août 2009, une bande de riches adolescents de Los Angeles s'introduisit avec une aisance incroyable dans le domicile de plusieurs célébrités parmi les plus friquées d'Hollywood, subtilisant un pactole estimé à trois millions de dollars.

On ne sera pas étonné que celle qui a fait de la mise en scène du luxe sa marque de fabrique, trouva ici un sujet idéal. Lorsque la réalisatrice eu connaissance de l'article « The suspects wore Louboutins », publié en 2010 dans les pages de Vanity Fair, elle prit contact avec son auteur, Nancy Jo Sales, et étudia les interviews des cambrioleurs en herbe. Le thème était furieusement contemporain et pouvait, selon ses dires, constituer un prolongement du propos qu'elle avait tenté de transcrire dans son très controversé Somewhere. Le parti pris fut celui de la fidélité aux lieux et aux événements : deux membres du groupe d'origine furent approchés, tandis que Paris Hilton, notamment, ouvrit pendant deux semaines sa villa à l'équipe de tournage.

Si The Bling Ring, présenté au dernier festival de Cannes, n'était pas le le film le plus attendu de l'année, il avait cependant de quoi intriguer de part son sujet et son approche promue comme "réaliste" de l'affaire.

Le thème en lui même aurait pu être traité de différentes manières, de l'enquête policière à la virulente critique sociale, en passant par le drame choc. Sofia Coppola, sans surprise, a préféré opter pour une certaine forme de légèreté et de superficialité, à l'image finalement de l'univers ici mis en scène. Le trailer donnait d'emblée le ton, mettant en avant les fêtes provoc' et les "exploits" du groupe.

Le traitement réservé aux auteurs des méfaits est empreint de cette superficialité : leur personnalité est juste survolée. En effet, rien, ou presque, ne nous est dévoilé sur leur passé, tandis que les différences de caractères tendent parfois a s’effacer. Marc, qui avait déjà la part belle dans l'article de Vanity Fair, se distingue toutefois du lot. On y découvre un nouvel arrivant un peu mal dans sa peau, moins familier avec l'univers du luxe que ses camarades. Un garçon au premier abord d'avantage ébloui par le charisme et l'assurance arrogante de Rebecca (la leader du cercle) que par la possibilité d'acquérir aisément des sacs swaggy à trois milles dollars pièce. C'est lui qui, à plusieurs reprises, tentera d'inciter les autres à plus de prudence, sans succès. Il est regrettable que Coppola en ait fait un personnage excessivement lisse, passant sous silence ses problèmes d'anxiété et les conséquences de son addiction à la drogue.

En dehors de ces ados, rien ne nous est montré, ou presque. Les fameuses "vraies" stars dont on nous vantait la présence se contentent de caméos éclairs et la journaliste fait figure d'observatrice extérieure. La seule adulte qui bénéficie d'un traitement particulier est le personnage de Laurie Moore. L'occasion de nous montrer que la superficialité n'est pas l'apanage des jeunes : l'éducation que cette mère transmet à ses enfants semble avoir une base unique : le très controversé « Secret » de Rhonda Byrne, dont la loi de l'attraction y est ici enseignée de manière quasi-religieuse. Sans aucun doute le personnage le plus navrant et le plus involontairement drôle de l'histoire.

Le basculement entre les « petits » larcins et le cambriolage de people est fulgurant. Grisés par la facilité avec laquelle il réussiront a s'introduire chez Paris Hilton (merci Google Map et la négligence de cette dernière), nos adolescents se sentiront dés lors pousser de gigantesques ailes en strass. Exaltés par un sentiment de toute puissance et d'impunité, ils cambrioleront, entre autres, plusieurs fois le domicile de la riche héritière, mais aussi celui d'Orlando Bloom ou de Lindsay Lohan. Ces stars, le cercle les admire au point que leurs exactions ont pour but premier le mimétisme.

The Bling Ring est un film qui, notamment après le premier cambriolage, n'hésite pas à tomber dans l'outrancier. On assistera de manière cyclique à des fêtes alcoolisées en club privé, d'innombrables «OMG ! Look at THIS ! Oh, I loooooove Chanel » à chaque nouvelle caverne aux merveilles pillée, et des scènes d’exultation et d'auto-glorification en voiture de luxe sous une musique d'un goût discutable. Plus rien n’arrêtera le groupe dont l'ahurissante insouciance est parfaitement symbolisée par cette scène (presque angoissante) où une fille hilare manipule inconsciemment un pistolet qui se révèlera chargé.

A première vue, Sofia Coppola semble avoir délibérément refusé de prendre partie, ou du moins pas de manière trop abrupte. Nos cambrioleurs ne sont ni présentés comme de pauvres membres de la jeunesse dorée victimes de la société, ni comme une bande d'ignobles marmots. Mais nul besoin finalement d'en rajouter. S'en cantonner aux faits, qui parlent d'eux même, reste suffisant pour que le spectateur observe l'action d'un œil cynique. Outre cette obsession pour cet univers de paillettes et de Louboutins dont les excès, le culte de la possession et la tendance au narcissisme a de quoi faire, au mieux, rire (la demeure de Paris Hilton est un véritable sanctuaire à son effigie), on ne peut que constater le manque effarant de précaution et de méfiance des protagonistes. Ceux ci ne prennent même pas le temps de cacher leur visage lorsqu'ils pénètrent dans les habitations, publiant les photographies de leurs trésors de chasse sur Facebook a grand coup de duckfaces tout en se vantant en public de leurs exploits (à ce sujet, la réalisatrice plaisantera : "ils avaient seize ans et peut être que leur cerveau n'était pas encore totalement formé").
Une inconscience qui finit par faire rire, notamment lorsque, en pleine fête hystérique dans leur bagnole, ils en oublient jusqu’à la circulation et finissent par provoquer un accident. Accident qui, pourtant, n’entamera en rien la folle entreprise d'un groupe dont l'identité passe par la possession à outrance et la popularité au sein d'une société où le simple fait de posséder un sac Louis Vuitton suffit à ouvrir des portes.

Mais le pire est a venir, et c'est dans le dernier quart du film, lorsque le cercle est démasqué par la police, que Sofia Coppola surprend, faisant preuve d'une certaine intelligence dans la narration. Elle nous montre la triste vacuité des liens d'un groupe dont l'amitié n'était, à l'image du reste, qu'un simple jeu d'apparence, une addition d'égos bien gonflés sans véritable considération pour les autres, à l'exception peut être de Marc. A ce petit jeu, la meneuse Jessica remporte la palme. Lors du procès, elle n'aura pas le moindre regard pour ce garçon désespérément naïf, son soit disant meilleur ami, qui finalement n'aura jamais fait partie de son monde, de sa caste "supérieure".. Mais ce que l'on retiendra d'avantage, ce sont les dernières interventions de Nicki, qui mettra toute son énergie à prouver la sincérité de ses regrets, de son message religieux et sa dévotion pour les pauvres, avant de clore le film ... sur de la publicité pour un site web a son nom. On dégustera l'ironie de la situation.

En termes de réalisation, The Bling Ring se défend plutôt bien, Coppola mettant en scène un monde où la mesure n'a pas droit de cité avec un certain talent, alternant des scènes quasi-hystériques avec d'autres passages plus calmes, où les voix se taisent pour laisser libre cours à des moments réussis comme ce cambriolage où la luxueuse batisse est filmée dans un plan large et fixe. La présence de lieux réels permet de rendre l'ensemble crédible. Quant aux jeunes acteurs, difficile de ne pas applaudir leur performance, d'autant que certains d'entre eux font ici leurs premiers pas au cinéma. Et la belle Emma Watson, dans tout ça ? Et bien elle parvient a nous émoustiller quelque peu tout en sachant rendre non sans talent les travers navrants d'un personnage qui se distinguera dans les dernières scènes.

Que retiendra t'on, au final, du dernier Coppola ? Principalement une plongée plus intéressante qu'il n'y parait dans un univers qui fait (hélas) rêver une certaine partie de la jeunesse contemporaine. Un spectacle à la fois irritant, drôle, effrayant et parfois étrangement "cool", où le public sera libre de porter son jugement sur les personnages : gentiment naïfs ou scandaleusement amoraux ?
Mais la légèreté de l'ensemble ne permet pas de faire de The Bling Ring, malgré ses quelques coups d'éclats, autre chose qu'un film sympathique. Était il raisonnable d'en attendre plus ?

A réserver (s'il est nécessaire de le préciser) a ceux dont le nom de la réalisatrice, le pitch et la bande annonce n'ont pas fait figure de repoussoir. Les détracteurs de Sofia Coppola, eux, seront assurément confortés dans leur opinion.

Reste a espérer toutefois que celle ci, pour son prochain long métrage, filmera autre chose que la vacuité, même si on ne peut que lui reconnaitre une certaine virtuosité de mise en scène dans le domaine.
Ramlladu
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le 27 juin 2013

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le 27 juin 2013

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