Les cancres de la ca(m)briole
The Bling Ring fait l'effet d'une étendue cinématographique désertique, d’un océan de vide d’où surnage une photographie très flatteuse. Heureusement pour Sofia Coppola, elle est bien entourée, Harris Savides dompte couleurs et lumières avec l'aisance d'un disciple du soleil et permet d'excuser, de manière éphémère, mais quand même, l’abysse narratif pour lequel œuvre son travail.
Le pitch va te faire rêver lecteur, j'en suis certain. Imagine un groupe de chipies toutes plus agaçantes les unes que les autres, jouissant, pour toute caractérisation, de hublots de machine à laver sur le tarin et de talons hauts comme la tour de Pise en guise de godasses. Ajoute-leur un jeune éphèbe au regard vitreux qui compense son complexe d’infériorité en portant des talons roses et mets tout ce petit monde dans des habitats tout droit sortis d'un architecte magazine ciblant les comptes en banque à 9 zéros.
Le décor est alors posé, place à l’action : des cambriolages ronflants, oscillant entre fascination et soif de possession, dont les seuls soubresauts prennent la forme de lampes torches lointaines et de menaçants écrans de surveillance, dont le but est de faire planer l'ombre oppressante de sieur Damoclès au dessus des minois de nos prudes chérubins cambrioleurs — 4 nones,un prêtre et une pécheresse, elle est belle l'adolescence rebelle —. L’effet est immédiat, une tension à couper au couteau, pareille à celle qui te fait hurler « sors, sors ! » au moment où Passe-Partout s’apprête à retourner la Clepsydre. Inutile de te dire que l’émission du père Fourras, à côté de The Bling Ring, est un modèle de suspens, tant le film de Sofia Coppola est d’une platitude désespérante.
D’un matériau de départ sans aucune consistance, un fait divers d'une banalité affligeante tout juste bon à meubler les colonnes d'un torchon people bas du front, Sofia Coppola se contente de délivrer une illustration presque documentaire. Où l’on aurait pu attendre de sa part une extrapolation du fait divers, pour amorcer ne serait-ce qu’un début de réflexion sur la frustration que peuvent engendrer les médias de masse type Facebook, en abolissant progressivement les frontières de toute vie privée, on se retrouve avec une cinéaste qui fait bien attention à ne jamais prendre position. Son regard se contente d’épouser les situations, au grand désespoirs de ceux qui espéraient trouver dans son nouveau film la relève aux uppercuts punk qui ont marqué les générations passées.
Sofia Coppola se reconnaît peut être dans la jeunesse qu'elle filme, mais en oubliant de construire ses personnages, en refusant de leur donner du fond — sans doute pour accentuer sa parabole sur le culte de la superficialité— elle ne fait que renforcer un désintérêt sans cesse grandissant pour ces esprits très limités.
Dès lors, toute la deuxième partie de The Bling Ring, censée apporter un contrepoids à l’oisiveté qui caractérise les cambriolages, en y coupant court par la sanction, tombe à plat. On suit le déroulement du procès les yeux mi-clos, sans empathie aucune pour les personnages : que ces huîtres indignes de posséder la faculté de penser s’en sortent, ou qu’elles morflent toutes — je coche quand même cette case, quitte à choisir— rien ne peut désormais sauver le film du naufrage.
Avec The Bling Ring, Sofia Coppola fait l’effet d’être à bout de souffle. Son adaptation sans idée d’un fait divers de pacotille témoigne d’un manque d’inspiration évident qu’elle tente de compenser par quelques fulgurances formelles. Il est temps pour la demoiselle de se poser tranquillement dans une salle et de dévorer à nouveau les films de son paternel : peut-être y puisera-t-elle cette vive passion qui lui avait permis de délivrer, dès son premier film, le très touchant Virgin Suicides. Je ne sais plus qui affirmait que le succès tuait l’ambition, on peut craindre le cas d’école concernant la jeune Coppola qui, en l'espace de 3-4 films, a acquis une réputation qu'il est certainement difficile à assumer.