Un film nécessaire : voilà comment nous pourrions laconiquement critiquer le cinquième long métrage de Sofia Coppola, étrange teen-movie inspiré du fait divers détonnant lui prêtant son titre. The Bling Ring, redoutable gang d'adolescents cambrioleurs de Los Angeles est assurément un cas d'école socio-culturel en même temps qu'un hommage intriguant à l'imagerie cinématographique américaine actuelle. Héritiers du white trash de Larry Clark et des androgynes évanescents de Gus Van Sant les teenagers de Sofia Coppola partagent cette même absence de repères parentaux solides et ce même écran de fumée que représente le fameux American Dream. Perpétuelle tangente de l'existence l'adolescence est la rencontre de tous les interdits : ce furent le sexe et la défonce avec l'incroyable Kids et le très beau Ken Park de Larry Clark, ce furent les déviances punks de Gummo et de Julien Donkey-Boy de Harmony Korine ou encore les dérives du meurtre organisé de Elephant de Gus Van Sant et de Bully du même Larry Clark. Ici l'auteure de Virgin Suicides montre une nouvelle facette de l'âge du en devenir, ou comment la jeunesse se trouve confrontée à l'impitoyable fascination pour son propre narcissisme, culte de l'ego superficiel empruntant la toile de fond des villas hollywoodiennes mythifiées par le gratin du star-system...


Dédié au directeur de la photographie Harris Savides The Bling Ring s'inscrit donc logiquement dans la cinématographie du précédent Somewhere : images classieuses couvant quelques perversions dépressives, montage et musiques dans l'air du temps ( surprenante citation du Freeze de Klaus Schulze ; magnifique Super Rich Kids de Frank Ocean ) ou encore mise en scène naturaliste doublée d'un certain minimalisme. Mais là où Somewhere témoignait d'une indigence scénaristique particulièrement remarquable The Bling Ring fait montre d'un véritable sujet original, instaurant une jolie réflexion sur les méfaits des réseaux sociaux. Ainsi Facebook serait le nouveau quartier général d'une jeunesse déviante ( Influente ? Influençable ? Irresponsable ? ), galerie déliquescente créatrice de nouvelles maladies mentales : perversion narcissique du personnage de Rebecca, semblant de mythomanie et de mégalomanie pour celui de Nicki ( Emma Watson, superbe en adolescente puritaine et hypocrite ) et bien sur kleptomanie et inconscience totale du danger ( Mark, le héros du film, aime tellement sa meilleure amie qu'il en oublie totalement les nombreux systèmes de vidéo-surveillance suggérés par la réalisation de Coppola, principalement lors d'un plan séquence d'ensemble nocturne intégralement silencieux trônant au coeur du métrage ).


Certes le film choisit parfois la carte de la facilité et de la redite mais il reste tout à fait important d'un point de vue purement contemporain, et reste ce que Sofia Coppola a fait de mieux depuis Lost in Translation. A voir pour redécouvrir une cinéaste inégale mais en fin de compte assez passionnante.

stebbins
8
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le 31 août 2015

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